Après dix-huit années à faire découvrir la rivière du Loup aux passionnés de plein air, Tony Charest et sa complice, Charly Dupasquier, tourneront la page sur Zone Aventure à la fin de la saison 2025. Une décision qui ne s’est pas prise sans un pincement au cœur, mais qui s’est imposée aux deux aventuriers du kayak comme la meilleure à prendre à ce point de leur vie.
Tony Charest était technicien en génie mécanique quand l’appel du plein air est devenu pressant. « J’ai eu une carrière passionnante, mais l’appel du plein air ne me lâchait pas, surtout quand je suis revenu dans ma région natale après un passage en ville. » En 2007, il plonge dans une formation en tourisme d’aventure au cégep de Gaspé, et sa passion devient son projet de vie.
Il négocie avec son employeur des conditions qui lui permettent de travailler l’été à organiser des randonnées en rivière à Saint-Joseph. C’est aussi à cette époque qu’il s’engage à la Sebka, sans savoir qu’il prendrait un jour la relève de Pierre Lemire à la tête de l’organisme. Avec le temps, ses « jobs d’été » prennent de plus en plus de place. Il doit faire un choix, et c’est Zone Aventure qui gagne.
Ses amis lui donnent un coup de main, tant pour la logistique que pour la gestion d’entreprise et le financement. Tony nomme en rafale Nadine Huard, Stéphanie Villeneuve, Alexane Villeneuve-Simard, Léa Bissonnette-Lavoie, Catherine Turcotte… et Charly.
Cette dernière est arrivée en 2013. Biologiste de formation, elle travaille à l’époque entre autres comme guide de kayak de mer à la Sebka, où Tony était déjà employé. L’amour a fait le reste, et les compétences de Charly se sont parfaitement intégrées à la vision de Tony. Elle prend en charge le volet d’éducation populaire qui a fait de Zone Aventure une entreprise avec une éthique environnementale hors du commun.
Pourquoi fermer maintenant ?
Comme pour beaucoup d’entreprises, la pandémie de 2020 a été une période difficile, même si l’engouement du public ne s’est jamais démenti. « On aurait pu exploser l’offre de service tellement la demande était forte, rappelle Charly, mais en même temps, c’était impossible d’accueillir tout le monde à cause des restrictions. »
Après la pandémie, la notoriété de Zone Aventure était telle que l’entreprise a atteint un point charnière. Augmenter le nombre de départs, le nombre d’embarcations, acheter un deuxième autobus, toutes ces options étaient réalisables, mais l’impact de cette augmentation sur la rivière a freiné leur désir d’expansion. « C’est une petite rivière, et la présence d’un trop grand nombre de kayakistes aurait fini par ruiner l’expérience de contact intime avec la nature qui est l’ADN de Zone Aventure », rappelle Charly.
En 2023, la réfection du pont sur la rivière du Loup a forcé l’annulation de la saison, et le couple a poussé plus loin sa remise en question. Il aura fallu deux saisons de plus pour en arriver à la conclusion que le temps était venu pour Tony et Charly passer à autre chose. « Ce bébé que j’ai mis au monde, il a dix-huit ans maintenant, il est temps de le laisser aller ! », explique Tony.
Zone Aventure serait donc en voie de disparaître du paysage de Saint-Joseph ? Oui et non. Si le couple n’avait aucune relève en vue, l’annonce de la fermeture sur les réseaux sociaux a suscité quelques vocations. « C’est sûr que le terrain ici nous appartient, note Tony, mais il y a d’autres emplacements, au Kamouraska ou même ici, à Saint-Joseph, et quelques personnes nous ont approchés pour reprendre l’équipement et le concept de Zone Aventure. »
Il serait prêt à accompagner un éventuel repreneur, autant pour faciliter la suite du projet que pour s’assurer que la philosophie de l’entreprise sera bien comprise. Pas facile de laisser aller un projet aussi intimement lié à la personnalité de ses propriétaires !
La vie devant soi
En quittant Zone Aventure, le couple se retrouve devant mille possibilités. Directeur de la Sebka à Saint-André depuis sept ans, Tony a une foule de projets pour renforcer la mission environnementale de l’organisme, et Charly compte renouer avec la biologie en y suivant son amoureux.
Mais après tant d’étés dédiés au public, Tony et Charly veulent aussi s’offrir le luxe de savourer la nature sauvage pour elle-même, dans la solitude et le silence. Dans leurs bagages, la chaleur des amitiés construites au fil des années, des souvenirs à la pelle, et la fierté d’avoir contribué à faire connaître et aimer un coin du Doux pays cher à leur cœur.
« On a encore plein de projets, mais une chose est sûre, nous allons nous garder de l’espace et du temps pour vivre d’autres aventures », conclut Tony. Des aventures en communion avec la nature, qui leur a appris tant de choses et qui continuera de les faire grandir.
Prendre soin de son terrain de jeu
Chaque randonnée avec Zone Aventure est l’occasion d’une prise de conscience environnementale. Des panneaux d’interprétation expliquent la rivière et ses berges, et les guides sont formés pour décrire la biodiversité environnante.
« Dès le départ, rappelle Tony, nous tenions à garder une philosophie d’entreprise qui est proche du client, en donnant non seulement des conseils de sécurité sur l’eau, mais aussi en faisant mieux comprendre la nature. Cette sangsue qui te répugne, elle a une fonction bien précise dans l’écosystème, et si tu la connais mieux, ben tu l’aimes plus. »
Charly ajoute : « Être écoresponsable, pour une entreprise comme la nôtre, c’est essentiel. La nature, c’est notre terrain de jeu, il faut le protéger. » Cette approche a permis à Zone Aventure de décrocher l’accréditation Qualité-Sécurité de Québec Aventure plein air, qui comporte 35 critères de qualification.
