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Gaétan Lévesque, une vie à aider son prochain

Il a annoncé sa retraite en avril. Mais à voir aller le Dr Gaétan Lévesque, tout indique plutôt le contraire. Rencontré à la clinique de Saint-Pascal, il avait tout l’air d’un médecin à temps plein. « Je ne fais que du suivi téléphonique avec des patients qui ont passé des examens », dit-il, comme pour se justifier d’être encore assis dans son bureau à 76 ans, après 50 ans de carrière. « C’est important de leur parler. » 

La personnalité de l’année du Journal Le Placoteux est d’une humilité désarmante. Lorsqu’on lui fait la nomenclature de ce qu’il a permis à la Fondation de l’Hôpital de Notre-Dame-de-Fatima de récolter pour améliorer les services de soins de santé au Kamouraska, il détourne finement le propos. « Beaucoup de gens auraient pu hériter du titre. Parce que si ça marche aussi bien, c’est parce que j’ai su m’entourer. Des confrères de travail médecins, des infirmières, des bénévoles, des patients, tous m’ont toujours épaulé. Je n’aurais jamais pu faire cela tout seul. » 

Gaétan Lévesque est né et a grandi à Saint-Pacôme, sur la ferme familiale que son père a cessé d’exploiter durant son adolescence pour travailler dans un autre domaine. Sa mère travaillait à la confection de chapeaux de couture, comme plusieurs femmes à l’époque, et aussi comme préposée aux bénéficiaires dans un Centre hospitalier de soins de longue durée. Il a entrepris ses études secondaires au public pour les terminer au privé, au Collège Sainte-Anne-de-la-Pocatière. « J’étais un hybride », blague-t-il, ajoutant avoir été chanceux de pouvoir se faire instruire. 

« En 1960, quand les libéraux sont rentrés avec Jean Lesage, ça a été un bouleversement pur. Presque toutes nos études étaient gratuites. Ça a changé le Québec d’une manière très positive, et j’ai pu en profiter. J’aime l’histoire, j’aime comprendre, regarder en arrière. » 

Très vite, le jeune Gaétan sent qu’il a besoin d’aider, mais aussi de comprendre les choses. « J’adorais l’aspect technique. J’ai toujours aimé les sciences, l’anatomie, le corps humain, toute la physiologie, ça me fascinait. » Une anomalie visuelle l’empêche d’étudier dans le domaine de la dentisterie. Lorsque vient le temps de choisir une autre carrière, il pense à la foresterie. « Un arbre a aussi une vie, une mécanique, comme un humain ». Il s’inscrit finalement en médecine à l’Université Laval, avec un second choix en génie mécanique. Il a été accepté aux deux. Heureusement pour la population du Kamouraska, la médecine l’a emporté. 

Retour dans sa région 

Diplômé de l’Université Laval en 1975, il revient dans son patelin à l’occasion d’un stage. Il n’en est plus reparti. Depuis, les patients qu’il a soignés ne se comptent plus. Le médecin de famille a souvent connu plusieurs générations d’une même famille. « Ça permet, avec la génétique, de comprendre les malaises, les symptômes », confie celui qui apprécie beaucoup la médecine actuelle, avec toutes ses avancées, 

« Je ne suis pas du tout nostalgique de la médecine qui se pratiquait à l’époque. Nous avions des connaissances, mais nous n’avions rien pour soigner. Aujourd’hui, avec toutes les avancées, c’est magnifique. On peut soulager la douleur, et aussi soigner le mal. C’est tellement fabuleux. J’ai fait de l’urgence, et il fallait garder des patients durant des jours. Aujourd’hui, ils les soignent dans l’immédiat. » 

Tellement que Gaétan Lévesque avoue que si ce n’était de son âge, il continuerait de pratiquer la médecine. « Les avancées, les découvertes se succèdent et me fascinent. Ça évolue beaucoup et vite. » 

Dans un petit milieu, tout le monde se connaît. Aussi, on l’a vite appelé le Dr Gaétan. Pas seulement à cause du lien qu’il créait avec ses patients, mais aussi parce qu’il y avait deux docteurs Lévesque… Ceci expliquant cela. Gaétan Lévesque avoue qu’il aurait aimé étudier pour développer une forme d’empathie avec ses patients. « Je vois aller les jeunes médecins ici, je les vois jaser avec leurs patients, je vois le lien qu’ils créent. Ils savent comment faire. Ils ont été formés pour cela. Dans mon temps, ce secteur n’existait pas dans nos études ». 

Nombreux engagements 

Ses engagements pour le bien de la communauté sont nombreux. Secrétaire du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens de La Pocatière de 1978 à 1990, il est membre de la Fondation de l’Hôpital de Notre-Dame-de-Fatima depuis 1984. Il entrera au conseil d’administration de l’organisation en 2008, pour en assurer la présidence dès l’année suivante, jusqu’à aujourd’hui. Il raconte. 

« En 2007, il y avait de gros problèmes administratifs à l’hôpital. Il y avait des coupures, un manque d’argent. Ils avaient décidé de fermer un étage. Je n’étais pas d’accord, et j’ai démissionné de l’hôpital. Après un an, ils m’ont demandé de revenir pour occuper le poste de directeur des services professionnels (DSP). Ainsi, je suis retourné par la grande porte ». C’est alors qu’on lui parle de la fondation de l’hôpital. 

« Personne ne voulait avoir le travail. J’ai accepté, et c’est alors que j’ai commencé à gérer tout ça. Quand j’étais DSP, j’avais deux chapeaux. Je voyais les besoins à l’hôpital, et j’étais aussi président de la Fondation. J’avais tous les outils. » Il se dit chanceux d’avoir pu compter sur de grands donateurs comme Bernard Bélanger, fondateur et président du conseil d’administration de Premier Tech, résident du Kamouraska.  

« Beaucoup d’équipements ont été achetés depuis six ans. » En fait, depuis 40 ans, la Fondation de l’Hôpital de Notre-Dame-de-Fatima a investi trois millions $. Cette année, on a des demandes pour 600 000 $. C’est quelque chose. L’an prochain, il y en aura encore. Les gens embarquent. Je pense qu’ils ont compris l’importance d’avoir des soins de santé ici chez nous. » Depuis son arrivée et celle de Maryse Pelletier, la Fondation bénéficie d’une importante visibilité dans le milieu. Ce fait n’est certainement pas étranger aux succès des campagnes de financement.  

Le Dr Lévesque a aussi été représentant des CHSLD au CRSSS-3 (Québec) de 1987 à 1989, président d’honneur de la Levée de fonds Club Lions et Fondation HNDF-Ophtalmologie en 1990, conseiller municipal à Saint-Pacôme de 1996 à 2000, président des fêtes du 150e de Saint-Pacôme en 2001, représentant à la commission médicale régionale du Bas-Saint-Laurent de 1997 à 2008. Gaétan Lévesque est aussi l’instigateur de la campagne majeure Je soigne mon hôpital, en oncologie et soins palliatifs en 2009. 

Pourtant, selon lui, son principal défaut est d’être… paresseux ! « Des fois, ça ne me tente pas de faire certaines choses que je reporte », un petit péché bien véniel, considérant tout le reste. À travers tout cela, Gaétan Lévesque a fondé une belle famille de quatre enfants. « Mon épouse m’a toujours soutenu. Elle me dit souvent encore de prendre un peu de temps pour moi. Mes enfants aussi ne m’ont jamais critiqué. Jamais », insiste-t-il. 

Parce que souvent, les patients du bon docteur ne se gênaient pas pour l’appeler à la maison, souvent aux heures de repas. « Quand je demandais aux gens leurs symptômes, mes enfants entendaient quelquefois des choses pas très appétissantes », dit-il en riant. 

Puis, Gaétan Lévesque est devenu coroner. Un travail très méticuleux, qui demande une disponibilité constante, et qu’il a occupé durant 17 ans. Ce poste lui a permis de jumeler son désir de comprendre à celui d’aider. « Avec les enquêtes du coroner, on établit les causes des décès, on reconstitue le fil des événements. Je faisais donc en sorte que certaines situations causant la mort ne se reproduisent plus. » 

Des employés fidèles 

Dans son cabinet, il est fier de dire que ses employés sont toujours demeurés des années. « Ils sont bien. Ma secrétaire, Estelle Plourde, a pris sa retraite après 47 ans de service, c’est vous dire », fait-il remarquer, avant de demander une photo avec la « jeune recrue » Marie-Ève Soucy. « Ça fait quand même dix ans que je travaille ici. J’ai commencé, je venais d’avoir 18 ans », dit-elle, à la surprise du Dr Lévesque. « Vous voyez comme le temps passe vite ». L’homme, qui n’a de cesse de mettre en valeur les autres, sollicite aussi une photo avec celle qu’il appelle « la meilleure infirmière », Christina Albert.  

Interrogé sur les ressources du médecin en région ou dans un grand centre, il ne voit aucune différence. « Nous avons plusieurs équipements ici. Et nous sommes aussi à proximité de Québec et de Rivière-du-Loup ». Lorsqu’on lui fait remarquer que c’est en grande partie grâce à ses actions avec la Fondation de l’Hôpital de Notre-Dame-de-Fatima que la population peut bénéficier d’équipements de santé de haute technologie, il le reconnaît du bout des lèvres, attribuant une grande partie de ce succès aux gens qui l’entourent, dont la directrice générale de la Fondation Maryse Pelletier. « Elle me fascine. Elle est extraordinaire. Cette femme est de la dynamite. Nous sommes véritablement choyés de l’avoir. » 

Retraite complète 

S’il est serein à l’idée de prendre sa retraite complète de la médecine en janvier 2026, il demeurera engagé à la Fondation durant encore deux ans. « Ensuite, je vais probablement passer le flambeau. J’ai quelqu’un en tête pour prendre la relève, un jeune qui n’est pas médecin, mais que je verrais bien à ce poste. » 

Que fera-t-il à la retraite ? « Je vais jouer au golf, et aussi faire des voyages de paresseux dans le sud. Ne faire que de la plage. J’aime aussi les croisières. On en a fait une à Hawaï pour souligner ma retraite. La plus belle que j’ai faite, c’est une croisière fluviale en France, sur le Danube, c’était vraiment magnifique. » 

Au départ du scribe, il fait déjà noir. Mais l’homme reste au bureau. « Il me reste quelques patients à joindre. Je vais leur donner leurs résultats, et terminer en leur disant de continuer à faire une bonne vie. Ce sont des petites choses qui créent les liens. Un peu d’humour, ça les sécurise. C’est important. » 

Comment aimerait-il que les gens se souviennent de lui ? « Je demeurerai toujours “Gaétan à Ti-Louis à Ovide” [les prénoms de son père et de son grand-père]. Je pense que ceux qui m’ont connu vont continuer de m’apprécier. Je ne veux pas de statue. J’ai fait ce que j’avais à faire. » Ce qui le désole ? Les pertes récentes de grands amis qui lui étaient très chers. 

Si c’était à recommencer ? « Je referais exactement la même chose. Sans rien changer. » 

Gaétan Lévesque se dit entouré des meilleurs. Il pose ici avec l’infirmière Christina Albert. Photos: Marc Larouche
Le temps passe vite, à preuve, le Dr Lévesque était tout surpris de constater que la « jeune recrue » du cabinet, Marie-Ève Soucy, était là depuis 10 ans.