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Il est grand le mystère de la foi

Yvan Morin dans son studio du Pavillon des Cèdres à Rivière-du-Loup. Photo : Marc Larouche

« J’ai lu le portrait que tu as fait sur l’abbé Yvan Morin. Très intéressant et touchant. J’ai su peu après qu’il nous avait quittés. » C’est par ce message privé, à mon retour de vacances, que j’ai appris son décès. En fait, que j’ai compris qu’il était parti. Ça m’a jeté à terre. L’entrevue-portrait qu’il m’avait accordée quelques semaines plus tôt prenait tout à coup un sens que je n’avais pas imaginé.

Je connaissais l’abbé Yvan Morin depuis toujours. Pas au point de partager une coupe de vin de messe avec lui, mais assez pour savoir quel homme de foi et de cœur il était. Nous nous connaissions par médias interposés. J’ai souvent eu à l’interviewer comme journaliste.

À mon arrivée à Rivière-du-Loup, en 1988, il livrait déjà ses pensées quotidiennes à la radio. Il maîtrisait l’art de rejoindre les gens. « Si Jésus était ici, il serait certainement sur les réseaux sociaux », m’avait-il confié. Pourtant, il regrettait de ne pas avoir su s’adapter à ces nouveaux moyens de communication. « Ma grande difficulté, c’est que je ne me suis pas adapté aux techniques modernes. Par tempérament, j’ai toujours été un travailleur, et je trouve la retraite un peu difficile. »

Je lui ai proposé de lui trouver une tablette électronique. Il a ri doucement, et a répondu par un « non » sans appel. Pas par mépris des nouvelles technologies, mais probablement par fidélité à sa routine de prière et de lecture, qu’il qualifiait de « bouées de sauvetage » dans un quotidien qu’il trouvait autrement difficile.

Dans son petit studio qui servait à la fois de chambre, de salon et de cuisine, l’abbé Morin célébrait deux messes par jour. Devant un mur blanc. Seul avec un crucifix et un calice. Il poursuivait une mission qu’il avait portée toute sa vie. « Je suis ici par obligation, pas par choix ou par désir », m’avait-il avoué. Ces mots me hantent. Cet isolement pratiquement forcé, après une vie consacrée à rassembler les gens, semblait cruel. Pourtant, il ne se plaignait pas. Quand je lui ai demandé ce qu’on pouvait lui souhaiter, il a répondu : « La sérénité, la paix et l’adaptation à une nouvelle vie. »

Cette résignation, empreinte de sagesse, contrastait avec l’homme passionné qui avait passé sa vie à propager un message d’espoir. Même lorsque les églises se vidaient, il trouvait encore un auditoire fidèle grâce à MAtv, où la diffusion de la messe arrivait toujours en première place dans les cotes d’écoute.

Je voulais lui remettre un exemplaire du Placoteux avec son entrevue. Je m’étais dit que je le ferais après mes vacances. À mon retour, il était décédé. Je suis convaincu qu’il m’a déjà pardonné.

Pendant mes vacances, j’ai appris que d’autres grands noms se sont éteints : Kim Yaroshevskaya, qui a enchanté des générations dans son rôle de Fanfreluche; Julien Poulin, ce visage marquant de notre cinéma; Jimmy Carter, icône d’une époque; Jean-Marie Le Pen, figure controversée. Mais aucune alerte médiatique nationale n’a retenti pour ceux qui ont le plus marqué nos vies dans notre région : l’abbé Yvan Morin, Gilbert Normand, Denise M. Levesque.

Ces disparitions m’ont rappelé à quel point le temps est cruel et que la vie avance, implacable, sans pause pour nous laisser respirer.

Que restera-t-il?

Et après? Que nous restera-t-il lorsque la société décidera que notre temps est fait, que nos échos s’éteindront peu à peu, et que le silence prendra la place des voix qui nous portaient? Peut-être qu’il nous restera la foi. Pas seulement celle qui cherche Dieu ou un au-delà, mais cette foi plus vaste et plus universelle : celle de croire qu’il y a un sens, même devant un mur blanc.

L’abbé Yvan Morin n’a jamais douté du mystère de la foi. Il l’a incarné dans ses joies comme dans ses silences. C’est peut-être là le secret : accepter que tout ne soit pas à comprendre, mais à ressentir. Que dans la solitude, il y a une présence, et dans le silence, une prière.

Alors, que nous restera-t-il après? Peut-être simplement cette foi. Celle qui nous permet de croire qu’il y aura toujours une lumière, même dans les moments les plus sombres. Et que même seuls devant un mur blanc, quelqu’un nous accompagne.

Et si la foi, ce n’était pas seulement de croire en l’invisible, mais aussi d’accepter l’inévitable? À la manière de l’abbé Morin, il nous reste peut-être à apprendre à transformer nos silences en prières, et nos regrets en sérénité. Merci pour tout. Reposez en paix.

Dernier hommage à l’abbé Yvan Morin

Le service religieux en hommage à l’abbé Yvan Morin sera célébré le samedi 25 janvier 2025 à 14 h en l’église Saint-Patrice de Rivière-du-Loup, sous la présidence de Mgr Pierre Goudreault, évêque du diocèse de Sainte-Anne-de-la-Pocatière.

Les condoléances auront lieu en l’église de Saint-Patrice de Rivière-du-Loup le vendredi 24 janvier 2025 de 19 h à 21 h 30, et le samedi 25 janvier 2025 à compter de 10 h. L’inhumation aura lieu au cimetière Saint-Patrice à une date ultérieure.