Marlyse Sambou aurait très bien pu rester à Montréal, à proximité de gens issus de sa communauté d’origine. Au contraire, elle a plutôt eu l’appel des régions, celle du Bas-Saint-Laurent. Depuis un mois, elle habite Saint-Pascal et brave le rude hiver québécois en se rendant tous les jours à pied à son nouveau travail, à l’hebdomadaire Le Placoteux.
Marlyse est originaire du Cameroun. Elle a fait ses études secondaires dans son pays natal avant de poursuivre son parcours scolaire en France durant cinq ans où ses études universitaires l’ont amené coup sur coup à Clermont-Ferrand, Paris et Caen.
Ses études avaient pour but de lui amener les connaissances nécessaires pour analyser et mieux comprendre le système financier et économique camerounais. Curieuse de nature, Marlyse avoue que ce champ d’études n’était pas tant dans l’objectif d’en faire une carrière que par intérêt.
Cette nature curieuse, c’est aussi ce qui l’a amené à multiplier les voyages au cours de sa vie et à envisager une carrière en Europe au sortir des bancs d’école. Pendant un an, elle a travaillé notamment en France et aux Pays-Bas chez un négociant de café et de cacao avant de rentrer chez elle en Afrique, où elle a passé l’essentiel de sa carrière dans filiale camerounaise de la Banque Nationale de Paris (BNP).
« Il y a une grande méconnaissance des réalités économiques et sociales de l’Afrique en Occident. Les gens nous imaginent comme des pays très pauvres, alors que d’un point de vue africain, on réside plutôt dans des pays qui sont “mal-gérés”. Quand je suis retournée chez moi au Cameroun, c’est parce que les perspectives de carrière étaient meilleures pour moi en Afrique, qu’en Europe », raconte-t-elle.
Quand la BNP a quitté le Cameroun, Marlyse est ensuite devenue consultante. Elle a quitté son pays de nouveau pour des raisons humanitaires. Des neveux résidant au Canada anglais ont fait qu’elle s’est retrouvée au pays à la fin 2017. La langue l’a ensuite conduite au Québec où elle envisageait un retour aux études au Cégep de Rimouski.
« Rester à Montréal ne m’intéressait pas. Pour moi, c’était clair, je voulais habiter en région. J’assistais à des séminaires sur l’intégration à mon arrivée ici et on nous mettait en garde face à la vie en région en nous disant qu’on ne trouverait pas beaucoup de gens de notre communauté, ni même de magasins africains. Je me disais : “J’espère bien. Je n’ai quand même pas fait 20 h d’avion pour retrouver la même chose que chez moi !” »
Incapable d’obtenir un permis d’étude, son séjour à Rimouski a été de courte durée. Il a toutefois été suffisamment long pour qu’elle puisse s’y faire quelques bons amis et qu’elle tombe en amour avec les paysages de la région qui lui rappellent, dans une certaine mesure, ceux de son pays.
« Je suis retournée à Montréal le temps de régulariser ma situation et de faire une demande d’asile, mais aussitôt là-bas, mon seul souhait était de retourner en région. La COVID a simplement ralenti les choses quelque peu », explique-t-elle.
Le Placoteux
De Montréal, Marlyse Sambou était accompagnée par un organisme d’accueil-liaison pour arrivants nommé ALPA. Ce dernier est entré en contact avec Julie-Christine Hélas, agente de mobilisation à l’immigration à la MRC de Kamouraska, afin de vérifier les opportunités en employabilité pour Marlyse dans la région.
« Marlyse avait quand même une idée précise de ce qu’elle recherchait comme emploi et son expertise était orientée beaucoup vers les chiffres. Des opportunités, il y en a dans la région, mais le défi était de faire le “match” parfait », mentionne Julie-Christine.
Au même moment, Le Placoteux était à la recherche d’une secrétaire administrative. Après plusieurs semaines d’affichage, plusieurs des candidatures reçues satisfaisaient les critères de secrétariat, mais pas ceux en comptabilité. Lorsque Julie-Christine Hélas est entrée en contact avec l’hebdomadaire pour suggérer d’évaluer la candidature de Marlyse, les entretiens d’embauche étaient déjà entamés, souligne le directeur général de l’hebdomadaire Louis Turbide.
« Le curriculum vitae de Marlyse m’avait impressionné au point où j’hésitais à la passer en entrevue. Je ne comprenais pas pourquoi elle postulait pour emploi dans un hebdomadaire régional alors qu’elle avait toutes les qualifications pour travailler chez Desjardins où à la Banque Nationale », a-t-il déclaré.
Une situation fréquente avec les candidats issus de l’immigration, de l’avis de l’agente de mobilisation à l’immigration. Dans pareille situation, elle insiste auprès des employeurs régionaux pour qu’ils valident le projet de vie du candidat en entrevue.
Ce que Louis Turbide a fait sans regret, d’autant plus que Marlyse Sambou s’est avérée être la candidate parfaite. Aussitôt son embauche officialisée, un appartement lui a été trouvé à quelques coins de rue de son nouveau lieu de travail, encore là grâce à la mobilisation et la concertation des différents intervenants locaux qui ont aussi travaillé à bien préparer son accueil. « Et ce n’est pas terminé », assure Julie-Christine Hélas.
La nouvelle secrétaire administrative avoue quant à elle être très heureuse d’avoir posé ses pénates au Kamouraska. L’accueil qu’elle y reçoit depuis son arrivée est équivalant au souvenir qu’elle avait du Bas-Saint-Laurent, à la suite de son passage à Rimouski.
« J’ai même trouvé des grillons grillés dans une petite ville de 3500 habitants, chose que je n’ai pas mangée depuis que j’ai quitté le Cameroun. Aux gens qui immigrent comme moi, je vous le dis, vous pourriez être surpris de ce que vous allez trouver en région », dit-elle en riant.
Pour la première fois depuis longtemps, Marlyse estime surtout être dans des conditions d’emploi où elle peut paisiblement envisager le futur et s’enraciner dans une nouvelle communauté. Cela n’aurait pas été possible, selon elle, si elle était restée à Montréal.
« Pour les nouveaux arrivants, les métiers accessibles dans les grandes métropoles sont souvent loin de nos qualifications. Ça paye les factures, mais on ne peut pas prétendre que c’est épanouissant. Et ce n’est pas propre qu’au Québec et au Canada. Si on veut faire quelque chose d’épanouissant, il faut oser les régions, là où les gens sont plus portés à communiquer avec nous parce qu’ils ont encore le temps de le faire. »