La pénurie de main-d’œuvre est le nouvel ennemi de la littératie

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L’indice de littératie sous le niveau 3 s’est légèrement amélioré depuis 2016 dans Kamouraska-L’Islet. Loin de sabrer le champagne, l’économiste Pierre Langlois, responsable de cette étude de la Fondation pour l’alphabétisation, met en garde face au problème de la pénurie de main-d’œuvre qui pourrait ralentir cette progression dans les prochaines années.

Les résultats de cette étude, dévoilés par la Fondation pour l’alphabétisation, sont le fruit du croisement des données concernant le profil scolaire des Québécois, obtenues lors du dernier recensement de la population canadienne de 2021, avec les résultats québécois au Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA), une initiative de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Cette méthodologie a permis d’établir la progression observée entre 2016 et 2021.

Il en ressort que 59,3 % de la population de la MRC de L’Islet n’atteignait pas le niveau 3 en littératie en 2021, une amélioration de 1,7 % par rapport à 2016. Au Kamouraska, la progression a été plus faible à 0,6 %, soit l’équivalent de 56,7 % de la population qui n’atteignait pas ce niveau 3 l’an dernier.

Pierre Langlois résume le niveau 3 comme étant le seuil nécessaire au bon fonctionnement d’un individu dans la société. Il s’agit en général d’un niveau d’écriture et de lecture suffisant pour entamer des études au collégial, ou pour bien comprendre un texte journalistique « long », « comme ceux du Devoir », suggère-t-il.

Disparités régionales

Si l’indice de littératie sous le niveau 3 s’est globalement amélioré au Québec entre 2016 et 2021, de nombreuses disparités régionales demeurent. Sur l’île de Montréal, par exemple, la forte croissance de la diplomation universitaire ces dernières années a permis d’observer une incidence directe sur le niveau de littératie des 15 ans et plus.

« À Montréal, on est au-dessus du 40 % de la population qui possède un diplôme universitaire, alors que dans certaines MRC du Québec, on est sous la barre des 10 %. Les études supérieures, c’est l’élément précis qui vient augmenter l’indice de littératie. Quand on croise les données, la corrélation est directe entre le taux de diplomation de la population et l’atteinte du niveau 3 », résume Pierre Langlois.

L’accès aux études supérieures en région constitue un facteur clé à ce chapitre. Là où il y a des cégeps, les MRC se tirent relativement bien d’affaire, « même si on est loin des pays qui font mieux, comme la Finlande et le Japon », cite Pierre Langlois à titre d’exemple. Son rapport suggère d’ailleurs d’accentuer l’accès à la formation continue de niveau collégial dans les milieux de travail.

« Dans les régions où le cégep n’est pas à la porte, mais que le parc industriel avec des emplois bien rémunérés est à proximité, la tentation de ne pas poursuivre son parcours scolaire au-delà du secondaire est là, encore plus en période de pénurie de main-d’œuvre comme nous vivons actuellement. Les cégeps font déjà des efforts en déployant des antennes régionales dans des régions plus isolées, mais il faut faire mieux pour faciliter l’accès aux études supérieures et à la formation continue en entreprise. »

L’économiste est aussi d’avis que le gouvernement du Québec devrait lutter davantage contre le décrochage scolaire en rendant l’école obligatoire jusqu’à 18 ans, comme c’est le cas en Ontario et au Nouveau-Brunswick. Cet élément permettrait, entre autres, de diminuer le décrochage scolaire chez les garçons, qui est plus important qu’ailleurs au Canada malgré un parcours scolaire régulier de 11 ans au lieu de 12.