Le groupe Facebook Le Comité Social, lieu branché de discussion et d’échanges du Kamouraska, s’enflamme depuis quelques jours. Une petite maison bleue de Mont-Carmel, qui n’a rien de particulier sinon qu’elle était en vente jusqu’à tout récemment — une denrée rare dit-on —, sème l’émoi. Ses nouveaux propriétaires l’ont convertie en vulgaire Airbnb — scandale ! —, une tendance qui serait à la hausse au Kamouraska.
Difficile de dire si le Kamouraska a été piquée au vif par le virus Airbnb, à même titre que le cœur des grandes métropoles européennes. En janvier 2016, Le Placoteux s’intéressait au phénomène et on avait de peine et de misère réussi à dénicher trois propriétaires qui s’y affichaient.
Une recherche rapide avec une date de location entre le 2 et le 8 mai — un moment très peu touristique, donc susceptible de présenter l’ensemble de l’offre — montre que le choix est beaucoup plus diversifié aujourd’hui qu’il y a cinq ans et que les lieux de location se sont effectivement multipliés… sur le littoral. Ailleurs, comme dans le Haut-Pays de Kamouraska ? Les inscriptions se calculent pratiquement sur les doigts d’une main ! On est donc loin d’une problématique généralisée.
Alors pourquoi tant d’agitation autour de la p’tite bleue de Mont-Carmel ? Parce que les maisons seraient une denrée rare au Kamouraska. Celles à prix accessibles, encore plus. Du moins, c’est que laissent sous-entendre les commentaires sur Le Comité Social. Si un propriétaire a donc le malheur d’en acheter une qui réunit tous ces critères et de la mettre en plus en location sur Airbnb, c’est l’hystérie collective assurée !
Parole de courtière
Cette supposée rareté de demeures qu’on annonce à tout vent depuis quelques mois et qui toucherait également le marché immobilier kamouraskois semble toutefois exagérée. Une petite recherche orientée sur La Pocatière et Saint-Pascal sur Centris.ca tend d’ailleurs à le confirmer. Une fois les terrains prêts à construire enlevés, on y dénombre pas moins de 41 inscriptions pour les deux villes avec des prix variant entre 78 000 $ et 500 000 $. Des maisons de tous les gabarits, pour tous les budgets, près des services.
Selon Corinne Fortin, courtière immobilière chez Royal LePage Kamouraska-L’Islet depuis 25 ans, cet échantillon restreint est quand même représentatif du marché immobilier kamouraskois. Oui, il se vend plus de maison depuis un an dans la région, oui, les prix ont légèrement monté, mais du choix, il y en a assez pour loger tout le monde qui voudrait emménager dans le coin.
Et la surenchère, elle? Très rare. Seulement à Rivière-Ouelle, les 30 dernières ventes réalisées par Royal LePage le démontrent, deux inscriptions se sont réellement vendues au-dessus du prix demandé. Quelques rares maisons sont sorties au prix affiché, et la majorité, plusieurs milliers de dollars en dessous, souvent même en bas de l’évaluation municipale. Bref, pas de quoi paniquer.
Rivière-Ouelle n’est peut-être pas l’échantillon le plus représentatif, certains avanceront. Le hasard a néanmoins fait que le lendemain de l’entretien avec Corinne Fortin, JLR Solutions Foncières a fait parvenir le bilan 2020 des ventes de maisons unifamiliales par division de recensement.
Nombre de ventes au Kamouraska en 2020 : 265, une hausse de 24 % par rapport à l’année précédente. 2019 : 216 ventes, une baisse de -15 % par rapport à 2018. Prix de vente médian en 2020 : 140 000 $, une variation de 12 % par rapport à l’année d’avant. 2019 : 124 750 $, une diminution de 8 % par rapport à 2018. Aussi bien dire que sur une période de deux ans, les ventes ont augmenté réellement de 9 % au Kamouraska, et les prix, eux, de 4 %. Corinne connaît visiblement bien son marché…
Les fermettes
Où se vit donc cet emballement plus pointu pour l’immobilier au Kamouraska ? Dans les fermettes, les maisons de rang, dit sans équivoque Corinne Fortin. Mais là aussi, il n’y a rien de nouveau, ce marché a toujours été effervescent dans la région. Pour reprendre ses paroles textuellement : « On ne reste jamais collé deux ans avec une inscription dans un rang ! »
Ce rêve de la fermette ou de la maison de campagne dans le fin fond d’un rang du Haut-Pays, plus souvent qu’autrement, c’est précisément ce que certains « commentateurs » du Comité Social voyaient en la p’tite bleue de Mont-Carmel. Et preuve que la problématique ne date pas d’hier, Le Placoteux en parlait pas plus tard qu’en mars 2018 avec l’ancienne agente de migration de Place aux jeunes en région.
À cette époque, le problème n’était pas la pénurie de maisons de campagne à acheter, mais à louer. Un logement à La Pocatière ou Saint-Pascal ? « ll y en a, mais ce n’est pas ce que les nouveaux arrivants recherchent », disait-on.
Trois ans plus tard, le problème demeure essentiellement le même, sauf qu’il est faux de prétendre qu’il y a pénurie de maisons en vente, que les prix ont explosé, que la surenchère s’est généralisée ou même qu’il y a prolifération d’Airbnb au Kamouraska. En fait, la région est simplement victime d’une forte demande spécifique pour une offre qui a toujours été anémique.
À moins d’accélérer la gentrification de nos rangs en y ajoutant de nouvelles résidences pour remédier à la problématique, le temps est peut-être venu de rappeler aux néo-ruraux qui rêvent d’une vie de carte postale Instagram parfaite dans la région qu’il y a plusieurs façons de vivre LE Kamouraska. Aménager un jardin, par exemple, c’est possible à La Pocatière et Saint-Pascal. Et vérification faite, garder des poules dans le périmètre urbain, c’est aussi toléré…