Il n’y a pas qu’en périphérie des grands centres que la valeur des terres agricoles a bondi. Ici aussi, au Bas-Saint-Laurent, l’augmentation frise les 200 % par endroits depuis dix ans. « Des solutions sont nécessaires », de l’avis du nouveau président de l’Association de la relève agricole du Bas-Saint-Laurent (ARABSL).
Cédric St-Pierre est président de l’ARABSL depuis février dernier. Au moment même où il accédait à la présidence de l’Association, La Presse rapportait que la valeur moyenne des terres agricoles avait bondi de 248 % au cours des dix dernières années au Québec. « On a acheté une terre voisine de la nôtre, il y a trois ans. On l’a payée 3000 $ l’acre. Dix ans auparavant, elle s’était vendue 1000 $ l’acre », illustre le nouveau président.
Relève en production porcine et laitière à Saint-Valérien près de Rimouski, Cédric St-Pierre est actuellement en processus de transfert d’entreprise agricole. Toujours en attente de l’évaluation du prix de la ferme dont il se portera acquéreur, il ne se raconte pas d’histoires concernant le coût des terres, « autour de 2000 $ l’acre, en moyenne, dans le secteur de Rimouski », selon les données qu’il rapporte de la Financière agricole du Québec. Au Kamouraska, où les terres sont réputées être parmi les meilleures au Bas-Saint-Laurent, il avoue avoir entendu des 5000 à 6000 $ l’acre. « Ça demeure dans les prix les plus bas au Québec, mais on est quand même impacté par de grosses augmentations », dit-il.
Enjeu prioritaire
Cet enjeu d’accès aux terres agricoles n’a pourtant rien de nouveau, de l’avis du président de l’ARABSL. Bien avant qu’il accède à la présidence de l’Association, le sujet était prioritaire depuis plusieurs années. Ce qui a changé? « Le prix des grains a monté, la valeur des terres a suivi, et la demande a été stimulée un temps par des taux d’intérêt qui étaient bas. Mais l’offre en terres, elle, elle n’était pas là. La situation est généralisée à la grandeur du Québec », résume Cédric St-Pierre.
Maintenant que les taux d’intérêt se sont mis à remonter, la situation devient encore plus préoccupante. Si la relève agricole avait déjà de la difficulté à se porter acquéreuse de terres agricoles, surtout dans les cas de transferts non apparentés, elle fait encore moins le poids devant les joueurs bien établis qui ont déjà des actifs en garantie auprès des institutions financières. « Ce qu’on voit, c’est que la relève se tourne de plus en plus vers la location. On estime à 33 % les relèves qui font de la location de terres », ajoute le président.
L’ARABSL ne s’oppose pas à la location dans le cas de démarrage d’entreprise agricole, mais elle est d’avis qu’il est préférable que les producteurs puissent éventuellement devenir propriétaires de leurs terres. « Quand t’es propriétaire de tes terres, t’as des garanties pour réemprunter et réinvestir dans ton entreprise. En location, tu peux perdre la terre du jour au lendemain, alors avant d’investir pour améliorer son drainage, tu y penses à deux fois. »
Des solutions
L’ARABSL est liée à la Fédération de la relève agricole du Québec. Cette dernière a l’appui de l’Union des producteurs agricoles du Québec qui partage la même préoccupation qu’elle face à l’augmentation du prix des terres agricoles. Selon Cédric St-Pierre, le gouvernement provincial démontre de l’écoute dans le dossier, mais il a tendance à énumérer les programmes d’aide existants au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation ou à la Financière agricole du Québec en guise de solutions. « Ces programmes ne sont pas à jour. Ils n’ont pas suivi l’augmentation du prix des terres et des intrants à la ferme. On [la Fédération] fait pression pour que le gouvernement les actualise », souligne le président de l’ARABSL.
Cédric St-Pierre mentionne également des pistes de solution du côté des institutions financières. « Elles devraient prendre plus de risques avec la relève en offrant des taux plus bas et des prêts à plus long terme. On se bat aussi sur ce front-là. Mais il est évident qu’il va devoir se passer quelque chose. Le nombre d’entreprises agricoles diminue chaque année. Si on veut préserver l’autonomie alimentaire du Québec, il va falloir un signal clair pour la relève, autrement, la situation ne va pas aller en s’améliorant. »