L’élection présidentielle américaine du 5 novembre dernier a monopolisé l’actualité partout sur la planète, et tous s’attendaient à une lutte très serrée entre le candidat républicain et 45e président des États-Unis, Donald Trump, et la vice-présidente sortante Kamala Harris. À la surprise de plusieurs, il n’en fut rien.
Rapidement pendant la soirée électorale, Donald Trump a pris les devants, et en comparaison avec l’élection de Joe Biden en 2020, où la position de tête changeait de camp, l’ex-magnat de l’immobilier a continué à dominer le terrain. Il aura cependant fallu attendre vers deux heures du matin pour confirmer la victoire de Donald Trump dans l’État de Pennsylvanie, ce qui scellait mathématiquement la victoire du camp républicain. Pire encore pour les démocrates, le Sénat et la Chambre des représentants sont désormais à majorité républicaine.
La leçon de politique du cardinal Villeneuve
En politique, lorsque tu subis un échec, le premier réflexe est de blâmer les autres, alors que souvent, la faute est davantage attribuable à la stratégie du perdant, quoiqu’il y ait toujours des exceptions. Lorsque Maurice Duplessis, élu depuis 1936, déclenche des élections anticipées moins de quatre semaines après la déclaration de guerre du Canada en 1939, il espère tirer profit de l’opposition des Québécois à la guerre, et surtout à la conscription.
Le chef ne se doute pas à ce moment qu’il néglige certains détails stratégiques, et ce, même si son organisateur politique du temps, le célèbre et fin stratège Joseph-Damase Bégin (Joe D. Bégin) lui prescrit le contraire.
En effet, les libéraux de Mackenzie King à Ottawa menaceront implicitement le Québec d’un isolement sur la conduite des affaires au pays si Maurice Duplessis est réélu, puisque les ministres québécois de King démissionneraient en bloc, privant ainsi le caucus libéral de sa représentation québécoise. Le tandem King-Lapointe, qui venait tout juste de promettre quelques mois plus tôt que la conscription ne serait pas imposée aux Canadiens français du Québec, trouvera beaucoup d’écho dans la province avec cette stratégie.
Qui plus est, le gouvernement fédéral de l’époque contrôlait les nombreux et lucratifs contrats de guerre, ce qui avantagera les libéraux d’Adélard Godbout au Québec. Duplessis avait quant à lui les mains liées financièrement, car Ottawa menaçait systématiquement toutes les industries de la province de ne pas leur octroyer de contrats de guerre s’ils donnaient ne serait-ce qu’une « cenne » à l’Union nationale.
De plus, le gouvernement provincial ne pouvait plus emprunter d’argent sur les marchés étrangers, en raison de la Loi sur les mesures de guerre. Québec devait ainsi absolument passer par Ottawa pour emprunter, mais la Banque du Canada refusait systématiquement ses demandes, prétextant que tout l’argent devait aller dans l’effort de guerre…
Lorsque Maurice Duplessis fut hospitalisé en 1942 pour de graves problèmes de santé, il reçut la visite du cardinal Villeneuve. Ce dernier lui expliqua que sa défaite de 1939 était directement attribuable à ses mauvaises stratégies. Il lui indiqua toutefois que les grands hommes politiques étaient ceux qui avaient la force d’analyser leur défaite, car cet exercice était tellement dur que cela forçait le perdant à admettre sa responsabilité. La suite est bien connue : Maurice Duplessis garda le pouvoir jusqu’à sa mort en 1959.
Dans le cas de la victoire de Donald Trump, cette situation n’est donc pas tant imputable à l’excellente prestation du célèbre milliardaire américain, qui somme toute a été correcte dans la mesure où il s’agissait du style Trump, mais bien à la pléthore d’erreurs de stratégie et de jugement du camp démocrate.
Mauvais choix de candidat
Je me surprends encore à m’interroger à haute voix sur les choix de la puissante machine démocrate qui n’a pas été en mesure d’avoir d’autres candidats que Joe Biden et Kamala Harris pour affronter Trump.
D’un côté, le président sortant était malade, et ne possédait visiblement plus toutes ses capacités intellectuelles, et de l’autre, sa remplaçante Kamala Harris était considérée comme étant la moins populaire de tous les vice-présidents de l’histoire des États-Unis.
Pourtant, on a tenté à maintes reprises de faire croire au public que Joe Biden était toujours au sommet de sa forme, alors que plusieurs extraits vidéo nous démontraient le contraire, pour finalement choisir Kamala Harris comme successeure, même si plusieurs savaient qu’elle chaussait des souliers beaucoup trop grands pour ses talents.
Mauvais choix de sujets
Donald Trump était réellement battable. Il fallait toutefois choisir de meilleurs thèmes afin de le mettre sur la défensive. Un des problèmes du camp démocrate est le fait que ce parti était complètement déconnecté de la volonté populaire, en voulant imposer des sujets qui ne trouvaient pas l’écho escompté chez les Étatsuniens, et ce, au moment même où une crise inflationniste et migratoire secoue le pays, sans parler de la perte d’influence des États-Unis dans le monde.
En somme, les électeurs étatsuniens ont fait un bras d’honneur au wokisme, aux partisans d’une immigration sans restriction, ainsi qu’aux disciples des changements climatiques et des va-t-en-guerre tous azimuts.
De plus, lorsque vous tentez de prendre le dessus du pavé moral en diabolisant outrageusement votre adversaire — qui est loin d’être parfait, j’en conviens —, vous devez inéluctablement être exempt de tout soupçon en ayant une conduite irréprochable, ce qui ne fut indéniablement pas le cas…
Le clan démocrate s’est en effet fait prendre à plusieurs reprises à mentir, surtout avec la complicité de certains grands médias de l’Oncle Sam qui n’ont cessé de répéter des balivernes et des demi-vérités au sujet de Donald Trump.
Les médias traditionnels n’ayant désormais plus le monopole de naguère, la campagne électorale pour les républicains s’est donc gagnée davantage par l’entremise des médias alternatifs, ce qui représente un pied de nez à l’establishment médiatique des États-Unis qui a échoué lamentablement dans sa mission d’informer objectivement les citoyens, en faisant souvent preuve de malhonnêteté intellectuelle. En résumé, si vous accusez le camp adverse d’être des menteurs, vous n’acquerrez certainement pas de crédibilité en usant à votre tour de mensonges facilement démontrables par un travail de recherche digne d’un élève de polyvalente…
Les démocrates n’ont donc qu’eux à blâmer pour le fiasco du 5 novembre. Oui, Donald Trump était battable, mais encore fallait-il être connecté avec les aspirations du peuple, au lieu de tenter de faire passer ceux qui critiquent le wokisme pour des homophobes, ou ceux qui émettent des doutes sur l’immigration massive pour des racistes, les citoyens qui se questionnent sur les changements climatiques pour des sans cœur et des égoïstes, et ceux qui appuient Trump pour des idiots et des ordures. Il faut de la substance!
Certes, Donald Trump n’a pas la prestance ni l’éloquence du général de Gaulle. Il a son propre style qui n’est pas nécessairement le mien, mais il faut néanmoins admettre qu’il a su catalyser la colère des Américains en écoutant davantage les doléances des citoyens, alors que le camp Harris a particulièrement misé sur la diabolisation de son adversaire en négligeant l’essentiel, en l’occurrence le peuple.