La vie selon Jamina

Tout va être correct. Photo : Marc Larouche

J’avais préparé une belle chronique sur la victoire de Celui-dont-on-ne-devrait-pas-prononcer-le-nom. Une analyse logique, à peine apocalyptique, et avec une belle fin digne des meilleurs films catastrophe. Puis, ma chatte s’est pointée, s’est frottée à mes jambes, m’a lancé son regard de diva blasée, et j’ai tout effacé.

Le monde a-t-il vraiment besoin de l’analyse de Marc Larouche? Les Étatsuniens l’ont voulu? Ils l’ont. Qu’ils s’arrangent avec. Quand la planète explosera, vous appellerez Allah. Ma chatte a raison. On s’en fout. Changeons-nous les idées.

Vous ai-je déjà parlé de ma chatte Jamina?  Avant, j’avais un labrador. Jake. Un bon gros brun pure race, trouvé sur la route 185. Il y avait été abandonné par un gars à qui sa blonde avait donné le choix entre elle et le chien. Un voisin l’avait ramené chez moi. Comme il en avait déjà un, il me l’a proposé. J’ai accepté « deux semaines pour dépanner ». Ça a duré 14 ans.

Jake était un spécialiste de l’évasion. Une fois, en plein hiver, en fin de journée, monsieur a décidé d’aller gambader. Préoccupé, je me suis tout de même couché, mais sans vraiment dormir. J’allais voir aux demi-heures dans son condo, en dessous de la galerie, s’il était revenu. Il faisait un froid glacial.

De retour au lit, j’entends japper au loin. Au très loin. En écho hivernal. En pyjama, j’entre dans ma voiture, suivant les échos canins. Je l’ai finalement trouvé, planté dans trois pieds de neige, la laisse prise dans un bloc de ciment, me regardant avec des yeux composés d’un mélange de culpabilité et de regret… Imaginez-moi en pyjama, pas de bas dans mes bottes, dans trois pieds de neige, à sacrer après le chien… Je ne l’ai pas trouvé drôle, mais vous pouvez rire. J’assume. Et c’est le but.

Un chien, c’est du boulot : promenades, bains qui finissent en batailles, poils partout, sans parler des trois épisodes de mouffettes.

—            Mon chien s’est fait arroser par une mouffette. Le jus de tomate, est-ce que ça marche?

—            On ne prend que les gros animaux, monsieur.

—            Il est gros mon chien!

 

La ligne d’urgence vétérinaire m’aurait répondu, si j’avais eu une vache.

Toujours est-il qu’un jour, Jake est parti au paradis des chiens. J’ai pleuré pendant trois semaines. La maison était tellement vide que j’ai pensé prendre un chat. Moins compliqué, parce que je voyage souvent. Sauf que je n’étais pas vraiment un amateur de chats. J’allais laisser tomber l’idée lorsque Facebook, qui avait découvert — fouillez-moi comment — que j’étais en manque de boule de poils, m’a proposé une chatte appelée Jamina. Elle était dans un refuge de Matane, ignorée des autres chats. Solitaire. Moi qui collectionne les causes perdues. Je l’ai adoptée.

Sept ans plus tard, je vis encore entouré de poils, de miaulements et d’un bac à litière qui semble se remplir par magie, comme mes verres de bière à 20 ans.  J’ai appris à couper des griffes, pandémie oblige, et à dormir à deux.

Mais Jamina, c’est aussi sept ans de ronronnements apaisants, de moments où elle s’installe sur moi comme un coussin vivant avec ses petits coups de tête qui disent « tout va bien ». Elle me rappelle que la vie peut être simple. Des fois, elle me regarde avec l’air de dire « franchement, arrête de capoter ». Et juste pour ça, elle a bien mérité toute la place qu’elle prend dans mon lit.

Je vous ai fait sourire? Tant mieux. C’est de ça qu’on va avoir le plus besoin dans le futur. Rire. Je crois d’ailleurs que pour assurer mon avenir, je vais me recycler en clown.

Et puis non. Je risquerais de me retrouver à la tête du pays.