La visite du Pape et notre rapport aux Premières nations

Photo: Nacho Arteaga (Unsplash.com)

Le Pape va s’excuser pour la part qu’a prise l’Église catholique et ses religieux dans le génocide culturel des peuples autochtones orchestré par le gouvernement canadien. Mais l’essentiel du travail reste à faire pour leur redonner leur place et leurs droits sur ce territoire que nous occupons désormais avec eux.

D’abord, il nous faut réviser l’histoire qu’on nous a apprise et les préjugés qu’elle nous a transmis.

À l’époque de la Nouvelle-France, l’installation des Français dans la vallée du Saint-Laurent, au cœur de l’Amérique, s’est faite avec l’accord des peuples autochtones qui y vivaient. Il s’en est suivi un métissage génétique et culturel unique en Amérique ainsi qu’une collaboration exceptionnelle dans le commerce des fourrures, la colonisation, la survie en hiver, les déplacements et la participation aux guerres contre les tribus hostiles. Ces échanges faisaient l’affaire des deux, mais à la longue, force est de constater que les populations autochtones ont été décimées et supplantées.

Toutefois, ce sont les Britanniques, après la Conquête, qui entreprirent systématiquement d’éliminer les « Indiens », comme ils l’avaient fait aux États-Unis, pour avoir un accès libre aux richesses naturelles du territoire. Les Premières nations ont été ensuite placées sous la juridiction exclusive du gouvernement fédéral. Avec la Loi sur les Indiens (1876), le Canada les a enfermés et mis sous tutelle dans les réserves, et avec les Pensionnats autochtones, Ottawa a tout fait pour détruire « l’Indien » chez les enfants retirés de force à leurs familles. Atteints dans leur identité, leur dignité et leur existence même, ils ont été exposés à de nombreux préjugés et préjudices qui existent encore, même au Québec.

Malgré tout, les Québécois sont restés plus près des Autochtones à bien des égards, par le sang et par la culture. Ils ont souvent travaillé avec eux en forêt, sur les grandes rivières et divers chantiers. Ils se sont soulevés massivement contre la pendaison de Louis Riel, le chef des Métis au Manitoba, sous le règne de Sir John A. McDonald. C’est aussi le Québec qui, avec l’entente de la Baie-James, a rendu possible les premiers gouvernements autochtones et un premier partage de l’usage du territoire. Le gouvernement de René Lévesque fut aussi le premier à reconnaître les Premières nations comme des nations autonomes ayant droit à leur culture, à leur gouvernement et à leur territoire.

Mais il nous reste beaucoup à faire pour réintroduire les membres des Premières nations dans toutes les activités publiques, favoriser le développement de leur culture, négocier les partenariats qu’ils souhaitent ou non instaurer avec nous, délimiter et partager l’usage du territoire de façon à assurer leur autonomie. De leur côté, les communautés autochtones ont aussi un chemin à faire pour se rassembler, définir leur autonomie et leur projet d’avenir au Québec, en un mot, comment remplacer la Loi des Indiens et le système des réserves.

Les choses changent rapidement. La renaissance culturelle et le boom de natalités que connaissent les Premières nations raniment leur espoir d’un avenir pour leurs nations. Il faut les soutenir. Mais il faut éviter, chez les Québécois, un sentimentalisme indigéniste stérile, et chez les autochtones, la tentation de s’en tenir au folklore, aux symboles et aux accusations. Nous avons beaucoup en commun. Au-delà des plumes et des fumées de sauge, au-delà aussi des droits ancestraux et des droits acquis, on peut réapprendre à vivre ensemble, à collaborer, à se respecter comme des nations distinctes qui partagent un même territoire.

On ne réécrira pas l’histoire, mais on peut faire l’avenir ensemble, la nation québécoise et les 11 nations autochtones réparties dans les diverses régions du Québec.