La Fédération de l’UPA du Bas-Saint-Laurent a profité de son assemblée générale annuelle, tenue à Rivière-du-Loup récemment, pour rappeler au gouvernement du Québec que les régions périphériques ne peuvent plus être laissées pour compte. Plus d’un an après avoir lancé un cri du cœur en ce sens, les producteurs agricoles et forestiers attendent toujours des mesures concrètes qui tiendraient compte de leur réalité.
« L’agriculture en région périphérique coûte plus cher, tout simplement », explique la présidente régionale Nathalie Lemieux. « Le transport, le coût des intrants et des services, la saison de croissance plus courte… tout cela réduit la rentabilité. Et pourtant, nos fermes maintiennent vivants nos villages, elles soutiennent l’économie régionale et occupent le territoire. »
Mme Lemieux a porté ce message avec sa première vice-présidente Julie Gagnon, et le premier vice-président de l’Union des producteurs agricoles Paul Doyon. L’appel s’appuie sur une résolution extraordinaire adoptée en assemblée régionale l’an dernier, et entérinée à l’unanimité lors du Congrès général de l’Union. Depuis, rien n’a bougé, déplore la Fédération.
La présidente s’inquiète aussi d’un phénomène qui pourrait s’amplifier si rien n’est fait : l’accaparement des terres. « Personne ne veut voir ce scénario s’installer au Bas-Saint-Laurent. Mais quand le gouvernement tarde à soutenir les entreprises agricoles fragilisées, il donne l’impression de nous considérer comme des citoyens de seconde zone », tranche-t-elle.
Tarification carbone : une injustice
La Fédération estime qu’une première mesure tangible pour alléger la pression serait la fin de la tarification carbone. Au Québec, cette taxe est imposée aux distributeurs de carburants et de combustibles, qui refilent ensuite la facture aux producteurs. Selon l’UPA, il s’agit d’une mesure profondément injuste, d’autant qu’elle n’a plus d’équivalent ailleurs au pays.
Depuis 2013, le milieu agricole a ainsi contribué à hauteur de plus de 482 millions $ au Fonds d’électrification et de changements climatiques. La Fédération réclame la fin de cette tarification pour le secteur agricole, ainsi qu’un remboursement partiel, ou à tout le moins un soutien direct pour l’adaptation aux changements climatiques.
« Les producteurs sont aux premières loges de cette réalité, dit Julie Gagnon. Encore cette année, la sécheresse et les épisodes de manque d’eau ont rappelé la vulnérabilité de notre secteur. Les agriculteurs veulent faire leur part, mais ils ont besoin d’accompagnement. Le gouvernement doit reconnaître ce que nous vivons, et agir. »
Sous-financement chronique
Pour Paul Doyon, la tarification carbone n’est que le symptôme d’un problème plus profond : le sous-financement chronique de l’agriculture québécoise et canadienne. « Les entreprises en région sont déjà désavantagées par leur éloignement. Si on ajoute à cela des coûts supplémentaires et un appui public insuffisant, on met en péril leur survie », résume-t-il. Il cite à titre d’exemple la Politique bioalimentaire 2025-2035, qui prévoit à peine un milliard de dollars sur cinq ans pour sa mise en œuvre, alors que les attentes étaient grandes dans toutes les régions.
Selon lui, le Québec et le Canada investissent beaucoup moins que leurs homologues : « Ailleurs dans le monde, les gouvernements consacrent en moyenne 2 % de leurs dépenses à l’agriculture. Ici, on ne dépasse toujours pas 1 %. Il est temps de rectifier le tir. »
Miser sur des secteurs d’avenir
Pour l’UPA du Bas-Saint-Laurent, investir en agriculture et en foresterie n’est pas une dépense, mais un levier de développement régional, social et environnemental. « Nos entreprises contribuent à nourrir durablement les Québécois et à faire vivre nos régions. Si le gouvernement veut réellement soutenir la transition écologique et la vitalité du territoire, il doit reconnaître la valeur stratégique de l’agriculture et de la foresterie. Ce sont des secteurs d’avenir qui méritent un appui indéfectible », insiste Paul Doyon.
L’UPA régionale continuera de réclamer des gestes concrets, convaincue qu’une meilleure reconnaissance de la réalité des régions périphériques passe par une équité de traitement, et des politiques adaptées à leur contexte. « Nous n’avons pas besoin de compassion, conclut Nathalie Lemieux. Nous avons besoin d’un partenariat réel avec l’État. C’est la seule façon d’assurer la pérennité de nos fermes et de nos communautés. »

