L’humain aime se chercher. Personne ne sait vraiment quoi, mais ça occupe. C’est bien de se réinventer. Encore faut-il savoir pourquoi.
L’autre jour, je me suis offert un bol fumant de Kraft Dinner à saveur… de Poulet frit Kentucky. Un chef-d’œuvre d’ingénierie alimentaire qui fusionne deux entités que l’on n’avait jamais imaginées ensemble. Comme un film où Hulk et le Chat botté tomberaient en amour.
Pour accompagner le tout, un bon grand verre de Coca-Cola aux cerises, ou au sirop pour la toux. Même constat pour les biscuits Oreo à saveur de Coke. Oui, oui, ça existe. Et devinez quoi? Ils pétillent! Deux petites rondelles, l’une noir Oreo et l’autre rouge Coke, collées par une crème qui fait tressaillir nos papilles avec ses 21 grammes de sucre par portion. C’est comme… disons… une explosion chimique dans la bouche, un feu d’artifice gastronomique qui laisse perplexe. Moi je trempe mes Oreo dans du lait. Et du lait dans du Coke, ça surit.
Toujours est-il que…
L’humain est curieux, et moi encore plus, et c’est votre faute parce que j’écris pour vous. C’est aussi votre faute si je me suis senti obligé d’essayer le Pepsi aux pêches qui goûte le parfum cheap qu’on vend dans une station-service. Il paraît même qu’on peut aussi se procurer une Caramilk avec de la crème d’Oreo. Mon prédiabète fait dire que c’est une barrière à ne pas franchir…
Et les amants de toujours, les biscuits Ritz et le Cheez Whiz, ont copulé. Résultat : des Ritz qui goûtent le carton, et une couche de Cheez Whiz sèche. « Marie-toi jamais », disait mon père. Et cette année, pour éviter de cuisiner au réveillon, Lays vient de sortir des chips à saveur de dinde. Vous me connaissez, j’y ai goûté. Ça a un vague goût de dinde. Pas mauvais, mais un peu fade. Comme le temps des Fêtes modernes.
Et je songe…
Les quelques personnes qui peuvent encore songer à leurs joies d’enfant et à d’autres Noëls blancs ont maintenant l’âge de ne plus se souvenir. Les grands rassemblements familiaux sont devenus tellement rarissimes que cette année, des bars et des restaurants ouvrent leurs portes les 24 et 25 décembre. Parce que pour les Fêtes, de plus en plus de gens sont seuls. Ou sont-ils seulement en situation de seulité?
Finie la tourtière de ma tante Thérèse, le pâté de viande de mon oncle René, le pain sandwich de Rodrigue, l’aspic aux crevettes de Gilberte. Les grands buffets d’autrefois ont fait place aux chips à la dinde. Aussitôt ouvert, aussitôt mangé, aussitôt couché. Et on se réveille avec le Boxing Day que l’on passe devant son ordinateur. Comme sa vie. Au moins, on peut tremper nos restants de chips à la dinde dans une trempette d’atocas.
Et si c’était ça, le vrai goût des Fêtes modernes? Une dinde transformée en chips, des atocas en canne, et des souvenirs saupoudrés d’arômes artificiels. Peut-être que ce qu’on perd dans les saveurs, on le perd aussi dans le cœur.
La tourtière de tante Thérèse n’était pas juste une tourtière. C’était des rires autour de la table, son « Ah, goûtez-moi ça, c’est ben meilleur que l’année passée! », qui réchauffait plus que le poêle.
Je vais manger des chips à la dinde. Mais promis, je penserai aussi à ma tante Thérèse. Parce que dans le temps des Fêtes, c’est moins ce qu’on mange que ce qu’on partage qui compte.