Le retour des maraîchers et des marchés publics

Photo : Facebook Marché public de la Grande-Anse.

À vrai dire, en région, contrairement aux villes, les marchés publics n’ont jamais vraiment existé. On est passé, dans les années 1950, directement de la ferme de subsistance, où chaque famille faisait son jardin et ses boucheries, à la ferme commerciale et au supermarché. L’arrivée, ces dernières années, de petits maraîchers écologiques un peu partout et de petits marchés publics à Rivière-du-Loup, Saint-Pascal, La Pocatière et ailleurs, est un événement remarquable. Les légumes et les fruits devraient constituer autour de 20 % de notre alimentation.

La multiplication de ces petites fermes écologiques de proximité, qui mettent à profit de petites surfaces souvent inexploitées pour produire une variété exceptionnelle de légumes, de fruits et même de viandes de grande qualité destinées à la population locale, est une sorte de retour à la terre qui nous permet de renouer avec la nature, le territoire et la communauté où l’on vit. De plus, la qualité des produits qui nous sont offerts chez ces petits producteurs et dans ces marchés publics ou paniers de famille est tout simplement merveilleuse. Leur fraicheur, leur qualité et le contact avec le fermier ou la fermière valent largement le prix demandé même s’il est un peu plus élevé que celui des spéciaux du supermarché.

L’industrialisation, et surtout le libre-échange mondial, dont le supermarché est l’illustration, a fini par nous couper de notre environnement naturel et des agriculteurs censés nous nourrir. Dans les années 1980, le ministre Jean Garon avait clairement orienté notre agriculture vers l’autosuffisance alimentaire qui avait atteinte, à son départ, près de 80 %, au grand plaisir des producteurs de tout le Québec. Dans les années 1990, l’UPA et le gouvernement de Lucien Bouchard ont décidé d’abandonner cet objectif pour celui de la conquête des marchés internationaux, au grand plaisir d’une poignée de gros intégrateurs-exportateurs. Il s’en est suivi une concentration et une intensification rapide de la production. Aujourd’hui, en dehors des produits laitiers et de la volaille, qui sont protégés par la gestion de l’offre, le Québec exporte la majeure partie des aliments qu’il produit, des porcs surtout, mais il importe la majeure partie de ce qu’on achète au supermarché, à meilleur marché, mais sans égard pour leur qualité réelle. En 30 ans, notre taux d’autosuffisance réelle est tombé à moins de 35 %.

Nos jeunes maraichers et fermiers ouvrent une nouvelle voie à notre agriculture et à nos villages. Ils sont courageux, innovateurs, travaillants, compétents, même s’ils doivent composer chaque jour avec les contraintes injustes que leur imposent des politiques, des réglementations et des organisations agricoles conçues sur mesure pour l’agriculture industrielle d’exportation. Chaque communauté, municipalité et MRC se doit de les appuyer et de leur faciliter la tâche, et nos gouvernements doivent ouvrir franchement les structures actuelles de financement et d’encadrement réglementaire pour permettre la mise en place de ce type d’agriculture nourricière locale partout au Québec, y compris dans chaque quartier de nos villes. Car malgré ses mérites et l’éloge qu’on en fait, cette agriculture de proximité ne fournit encore que 2 à 3 % de notre alimentation collective.

Il en va non seulement de l’avenir de nos agriculteurs, mais aussi de la santé physique, économique et culturelle de nos communautés et de notre peuple. Ne laissons pas les autres nous nourrir industriellement : la terre que nous habitons et la communauté où nous vivons peuvent nous nourrir pour l’essentiel mieux et à meilleur prix… si nous leur faisons confiance.