L’envers de notre État-providence

L’État québécois est ce qu’on appelle un État-providence, ou État social. C’est un État qui s’occupe de tout et de tous, contrôle tout, finance tout, dans le but de redistribuer la richesse collective le plus équitablement possible, et de réduire le plus possible les inégalités sociales.

De ce point de vue, l’État québécois est un succès exceptionnel dans le monde. Ses programmes sociaux font l’envie en santé, en éducation, en petite enfance, pour les familles, l’aide juridique, l’égalité homme-femme, l’aide aux personnes âgées, aux femmes victimes de violence, aux demandeurs d’asile… et la liste des requérants et des bénéficiaires ne cesse de s’allonger.

Pour financer cette solidarité sociale, il faut bien sûr soutenir l’économie, productrice de richesse, aider les compagnies, assurer une main-d’œuvre compétente et bien payée… et collecter des taxes et des impôts en proportion des revenus. Si le Québec est un des pays les plus taxés, c’est justement parce que c’est l’un des pays où les gens ont le plus de services gratuits.

L’envers de la médaille

Il y a cependant un envers à l’État-providence. Cet État, à qui on demande de s’occuper de tout, a fini par tout centraliser, et par engendrer une bureaucratie qui ne cesse de grossir et de multiplier les formulaires et les contrôles. Et malgré cette armée de fonctionnaires, l’État-providence est débordé de partout : les services de santé et d’éducation absorbent la moitié du budget, mais ne satisfont plus personne, à tel point qu’il faut de plus en plus faire appel au privé. De nouvelles demandes s’ajoutent chaque jour : logement, repas gratuits à l’école, transport en commun, municipalités, régions…

L’État peine de plus en plus à financer tous ces services : les déficits croissants en témoignent. Et s’il y a des limites à augmenter les impôts pour un gouvernement qui veut être réélu. Il y a aussi des limites à subventionner les compagnies dans l’espoir de créer de la richesse. L’État-providence se dirige vers la faillite : l’exemple français est éloquent.

Déresponsabilisation et mécontentement

Mais le dommage sans doute le plus important qu’a créé cette centralisation étatique et bureaucratique est une sorte de déresponsabilisation généralisée. Nous ne sommes plus des citoyens responsables de leur vie et de leur milieu : nous sommes devenus des clients dépendants de l’État, et nous en voulons pour notre argent. Nos élus ne sont plus nos représentants, mais nos fournisseurs. Nous avons troqué la souveraineté du peuple contre la souveraineté de l’État.

Cette situation alimente un mécontentement croissant envers les dirigeants — les élites « déconnectées », comme on dit —, et ce mécontentement sert de carburant aux démagogues populistes de la droite, les Trump et les Poilièvre de ce monde, qui font miroiter un retour magique à la belle époque de la liberté.

La reprise en charge communautaire

La solution à une telle dérive de la solidarité sociale ne peut venir que d’une décentralisation économique et politique de notre société, de façon à permettre à nos communautés de se reprendre en charge. Un retour à la démocratie véritable, à la souveraineté du peuple.

Les Québécois tiennent avec raison à leurs programmes sociaux collectifs : les plus vieux se souviennent du temps où il fallait quasiment vider l’étable pour faire soigner un enfant malade. Mais ils doivent réapprendre à se prendre en charge, comme l’ont fait autrefois nos ancêtres dans leurs villages et leurs quartiers, en s’associant entre eux. Pour ça, il est nécessaire que l’État-providence et l’économie se décentralisent radicalement.

Il faut passer de l’État-providence à l’État rassembleur.