Face aux risques bien établis des pesticides sur la santé, les efforts de prévention se multiplient sur le terrain, notamment grâce au travail de sensibilisation mené par l’Union des producteurs agricoles (UPA) au Bas-Saint-Laurent.
« On voit encore trop souvent des gestes banals devenir dangereux. Un appel reçu pendant le mélange des produits, un tracteur contaminé sans qu’on s’en rende compte… Ce sont des expositions indirectes, mais bien réelles », explique Julie Gagnon, conseillère en prévention à l’UPA Bas-Saint-Laurent. Selon elle, le problème n’est pas seulement le manque d’équipement, mais la routine. « Beaucoup de producteurs font toujours les choses comme avant. Et changer une routine en agriculture, c’est un défi. »
Les ateliers offerts dans la région tentent de briser ce cycle en outillant les travailleurs, non seulement sur l’utilisation adéquate des équipements de protection individuelle, mais aussi sur les zones grises de l’exposition. « Même bien protégé, les particules peuvent se déposer sur des objets qu’on manipule ensuite sans précaution. On n’est jamais totalement protégé si on n’intègre pas une réflexion complète sur chaque étape de manipulation », précise Mme Gagnon.
Concrètement, elle recommande plusieurs gestes simples, mais efficaces. Par exemple, changer de gants et de vêtements immédiatement après la manipulation des produits, désinfecter le volant du tracteur ou tout objet manipulé après usage, et éviter d’utiliser son téléphone portable sans protection pendant les mélanges, car il devient alors un vecteur de contamination. « Le téléphone, c’est un classique. On pense être protégé, mais on répond à un appel avec des gants souillés, puis on range le téléphone dans notre poche, qu’on touchera ensuite toute la journée. »
Elle souligne aussi l’importance des cabines fermées et bien entretenues, des systèmes de dosage automatisés pour éviter les contacts directs avec les produits, et de l’entreposage sécuritaire des vêtements contaminés, loin des zones d’habitation. « Certains producteurs vont jusqu’à déléguer l’application à des entreprises de services, ce qui peut être une bonne option pour réduire l’exposition directe. »
L’information, gage de sécurité
Le message passe mieux aujourd’hui, surtout depuis que la reconnaissance des maladies liées aux pesticides est dans l’actualité. Mais encore faut-il que les gens soient informés. « Les producteurs peuvent contacter leur syndicat local, ou notre bureau à La Pocatière. On a des spécialistes, et on peut organiser des ateliers à la demande », rappelle-t-elle.
Dans le reportage de 2018 de La Semaine verte, pour plusieurs des cas soumis, les agriculteurs manipulaient les pesticides sans cabine fermée, ni gants, ni masque. Certains racontaient que le brouillard de produit leur retombait directement sur les bras. « On mangeait notre lunch avec des résidus de pesticides sur les mains », affirmait l’un d’eux, Jacques Lemieux, décédé depuis.
Aujourd’hui, même les pesticides dits « de nouvelle génération » comme le glyphosate ou les néonicotinoïdes sont montrés du doigt par la recherche. Des études menées par la chercheuse Francesca Cicchetti à l’Université Laval ont démontré que ces substances provoquent les mêmes lésions cérébrales que celles observées dans la maladie de Parkinson.
« Ce n’est pas parce qu’on ne ressent rien aujourd’hui qu’on ne développera pas des symptômes dans 10 ou 15 ans », avertit Mme Gagnon. Elle insiste aussi sur la vigilance nécessaire pour les producteurs à petite échelle, y compris ceux qui utilisent des pesticides dans les jardins résidentiels : « Les risques ne concernent pas que les grandes fermes. La protection, c’est pour tout le monde. »