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Les régions-ressources, plus exploitées que jamais

Gonz DDL, Unsplash

Dans les années qui ont suivi le Plan d’aménagement de l’Est du Québec (BAEQ-1968), les citoyens et les élus des régions périphériques ont refusé de devenir de simples sous-traitants des grands centres urbains : ils ont essayé de miser sur leurs ressources naturelles (la forêt particulièrement) pour sauver leurs villages. Force est d’admettre qu’elles ont perdu la bataille, et n’ont jamais été aussi dépendantes et exploitées qu’aujourd’hui.

On en parle moins depuis quelque temps. Sans doute parce que les populations des régions en décroissance se sont un peu stabilisées, grâce entre autres à une migration importante de jeunes urbains en région ; mais surtout, je le soupçonne, parce qu’on est las de se buter au mur d’un gouvernement central, jaloux de son pouvoir et complice des grosses compagnies.

Les initiatives gouvernementales n’ont jamais dépassé une certaine déconcentration administrative. Les régions ne sont toujours pas des entités politiques, dotées d’un président, ou même d’un gouvernement élu. Même les organismes de concertation régionale, comme les Conférences régionales des élus (CRÉ) ou les Conseils régionaux de développement (CRD), qui permettaient une certaine planification des infrastructures régionales de développement des ressources et des services, ont été abolis. Le sort réservé aux municipalités, de plus en plus sollicitées, est navrant. L’information régionale se meurt. La centralisation et la bureaucratisation des décisions et de la gestion des ressources et des services à Québec sont plus que jamais scandaleuses.

L’idée même de développement régional n’existe plus : celui-ci se réduit, d’une part, à des grands projets privés parachutés en région avec plus ou moins de succès et de dégâts, comme les parcs éoliens, et d’autre part, à des petits programmes à la semaine, et sans lendemains structurants dans les MRC pour aider les organismes communautaires et quelques PME. Le réseau des cégeps et des filiales de l’Université du Québec est peut-être la seule colonne vertébrale qui reste.

La région d’Abitibi-Témiscamingue vient de commander une étude qui révèle qu’avec un PIB de 106 milliards (grâce à ses ressources naturelles exceptionnelles), elle subit un déficit fiscal de 822 millions quand on compare les dépenses gouvernementales effectuées dans ses services publics, et les taxes payées par ses entreprises privées. Les récentes réformes de la loi des mines, des forêts et de l’énergie marquent un recul tragique de la participation des régions à la gestion et aux profits de leur exploitation, et un retour au pouvoir absolu des compagnies. Les Autochtones sont même plus consultés que les citoyens régionaux. Et on sait les doléances des agriculteurs, de pêcheurs et des citoyens affectés par les projets énergétiques.

Quant aux élus locaux et intervenants régionaux, ils ont capitulé, et se sont installés dans une sorte de culture de dépendance. Ils se consolent avec le succès touristique de leur coin de pays, la créativité de leurs organismes communautaires, leur réseau de PME, et l’éclosion de jeunes agriculteurs de proximité, appréciés, mais marginalisés par les politiques agricoles actuelles. Nos régions périphériques sont bel et bien redevenues des régions-ressources et des régions administratives, fournisseuses de richesses naturelles et de main-d’œuvre aux métropoles et aux grandes entreprises.

On attend toujours des politiques d’aménagement du territoire, de gestion de la forêt, de l’énergie, de l’agriculture et des municipalités qui fassent place à une véritable décentralisation, démocratie et justice territoriales, voire même à ce que certains appellent des bio-régions, c’est-à-dire des régions-territoires conçues comme des milieux naturels de vie et d’organisation sociale, économique et politique, comme base d’une démocratie citoyenne.