L’agriculture intensive qui s’est mise en place depuis l’avènement du libre-échange pose de plus en plus de problèmes d’environnement et de santé dans les milieux où elle s’exerce.
Les agriculteurs ont longtemps plaidé leur innocence en expliquant qu’ils n’ont pas le choix, s’ils veulent survivre et nourrir le monde, de grossir, de s’endetter, d’utiliser des engrais et des pesticides chimiques, d’installer le drainage souterrain, de tout raser pour gagner du terrain et faciliter le passage de la grosse machinerie, de garder les animaux en captivité, de réduire les déjections animales en fumiers liquides dans d’immenses fosses, etc. Au point où il n’est plus rare de voir deux ou trois fermiers s’accaparer l’ensemble des terres d’une ou plusieurs localités. Et on les voit travailler comme des fous du matin à la nuit avancée, pour rembourser aux moins les intérêts à la banque.
Mais on constate que ces pratiques ont des impacts de plus en plus graves sur l’environnement et la santé de ceux qui habitent en région agricole…et des agriculteurs eux-mêmes.
Les liens entre les produits chimiques utilisés et des maladies comme le Parkinson, la leucémie, la maladie de Hodgkin, les cancers de la vessie, les malformations congénitales, les allergies, l’infertilité, la santé des abeilles, les problèmes de développement des enfants et autres maladies modernes sont de plus en plus démontrés.
Nos rivières, lacs, ruisseaux et nappes phréatiques sont tous contaminés par les nitrates et le phosphore contenus dans les engrais chimiques et les lisiers, par les résidus de pesticides et par les sorties de drains agricoles directement dans les cours d’eau, à tel point que même les puits privés sont envahis par les coliformes et les nitrates et qu’il devient plus difficile de boire de l’eau pure en campagne qu’en ville.
La destruction des bandes riveraines, des milieux humides, des milieux boisés, des haies brise-vent donne libre cours au lessivage de ces résidus toxiques et à l’érosion des sols vivants. Les cultures intensives de céréales, sans rotations suffisantes, pour nourrir des porcs qu’on exporte, sont en train d’épuiser les sols qui produisent de moins en moins, même avec plus d’apports chimiques. L’agronome Louis Robert a étalé au grand jour l’abus de fertilisants et de pesticides prescrit par des agronomes asservis aux compagnies qui vendent ces intrants.
Il n’est plus possible d’ignorer de tels effets dévastateurs. Vient un moment, comme avec la Fonderie Horne à Rouyn-Noranda, où il faut intervenir. Quand un village voit sa prise d’eau municipale dépasser la norme acceptable de nitrates en hiver, et même, la norme souhaitable en été, avec les risques graves que ça comporte, il n’est plus possible de fermer les yeux sur le fait que cette prise d’eau est située au creux d’un versant de cultures d’où on a éliminé toutes les bandes riveraines, tous les secteurs boisés ou humides, toutes les haies, où on épand généreusement des fumiers liquides, notamment ceux d’une porcherie située au sommet du versant.
Dans tel autre village, c’est un lac de villégiature qui est contaminé, ailleurs une rivière à saumon, ailleurs des agriculteurs et des enfants atteints de syndromes de plus en plus reliés à l’usage de produits toxiques, ailleurs de l’érosion causée par le déboisement, ailleurs des travaux de défrichement et de déboisement ou d’égouttement non autorisés, ailleurs des dommages irréversibles à la diversité végétale et animale, ailleurs des épandages qui empoisonnent l’air ambiant, ailleurs la destruction de sites naturels ou de paysages précieux par des déserts verts à perte de vue, sans compter la perte de qualité et de valeur nutritive des aliments produits.
Les municipalités, la MRC, les bureaux de Santé publique et d’Environnement, les Organismes de bassins versants, l’UPA ne peuvent plus se justifier ou se taire. Une action concertée impliquant les agriculteurs eux-mêmes est incontournable. Il est inacceptable que le cadre réglementaire prévu ne soit toujours pas effectif. Les PDZA (plan de développement de la zone agricole), c’est aussi ça. On comprend que la révolution agricole à rebours qu’il faut entreprendre n’est pas simple et exigera du temps et des moyens. Mais les correctifs proposés sont insuffisants. C’est une question de survie et de respect envers la Terre qui nous nourrit. La terre cultivable est un bien commun qui appartient ultimement à tout le monde.