« La laïcité doit s’appliquer à l’État, et non s’imposer à la société civile ». C’est ce que les évêques catholiques du Québec font valoir dans un mémoire récemment déposé dans le cadre des consultations du Comité d’étude sur le respect des principes de la Loi sur la laïcité de l’État et sur les influences religieuses. Mgr Pierre Goudreault, évêque du diocèse de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, désire quant à lui que les communautés religieuses soient traitées comme des alliés de la laïcité, et non comme des adversaires.
Le mémoire cosigné par les représentants de sept communautés de foi — catholique, musulmane, adventiste, copte, mormone, arménienne et évangélique — ne remet ainsi pas en question la laïcité de l’État. Au contraire, il soutient fermement ses principes fondamentaux, notamment la séparation des religions et de l’État, la neutralité religieuse des institutions, l’égalité entre les citoyens, et la liberté de conscience. « Les communautés de foi soutiennent la laïcité de l’État, mais souhaitent en contrepartie être traitées comme des partenaires dans sa mise en œuvre, plutôt que comme des obstacles », explique le prélat local.
Toutefois, les signataires désirent que ces principes soient appliqués avec plus de prévisibilité, de nuance, et surtout, dans le respect du pluralisme religieux.
Les quatre recommandations
Le mémoire, intitulé La laïcité de l’État : un nécessaire partenariat avec les communautés de foi, contient quatre recommandations clés qui reflètent cette volonté de collaboration. La première est de reconnaître les communautés religieuses comme des partenaires dans la mise en œuvre de la laïcité. « Nous croyons que la laïcité est un projet collectif. Elle ne doit pas être imposée à la société civile par l’État, comme si toute manifestation religieuse devenait automatiquement suspecte », souligne Mgr Goudreault.
La deuxième recommandation est la création d’un Observatoire indépendant de la laïcité. Cette instance aurait pour mandat de recueillir les plaintes, d’émettre des avis, et de mieux informer la population sur les principes de la laïcité, tout en dépolitisant le débat. Le mémoire dénonce la « radicalisation » de certaines interprétations de la laïcité, évoquant notamment les restrictions imposées à l’utilisation des locaux scolaires par des groupes religieux, ou encore le climat de suspicion à l’égard de toute manifestation religieuse dans l’espace public – jusqu’à la possibilité évoquée d’interdire les prières dans la rue.
« Ces dérives créent de l’incompréhension et de la peur. Elles nuisent à la cohésion sociale, et favorisent le repli. Il faut au contraire ouvrir les portes du dialogue », insiste Mgr Goudreault.
Troisièmement, les auteurs demandent que le gouvernement développe une interprétation stable et raisonnable des principes de séparation et de neutralité. Les signataires dénoncent en effet l’absence de balises claires, ce qui engendrait, selon eux, des décisions arbitraires et contradictoires sur le terrain.
Enfin, face à la stigmatisation croissante des croyants, la coalition demande des initiatives de sensibilisation pour promouvoir la liberté de religion, tout en mettant en lumière l’apport positif des communautés de foi à la société québécoise (solidarité, patrimoine, aide aux personnes vulnérables, etc.).
« Quand on sait que la majorité des personnes croyantes cherchent à vivre l’amour du prochain, l’entraide, la solidarité, ainsi que la charité, nous considérons qu’il est également possible qu’une influence religieuse soit positive », conclut Mgr Goudreault.
La consultation publique sur le sujet s’est terminée le 8 juin dernier, et le rapport du comité devrait être remis au gouvernement au plus tard le 20 août 2025.