L’inflation fait mal et Moisson Kamouraska est aux premières loges pour le constater. Les statistiques du dernier Bilan-Faim le confirment : l’aide alimentaire a progressé de près de 40 % dans la région depuis 2019. Les ressources financières et alimentaires, elles, commencent maintenant à manquer, au point de craindre le bris de service.
S’il fait abstraction de la pandémie, l’organisme Moisson Kamouraska n’a jamais aidé autant que dans la dernière année. En 2022, 6796 personnes ont été rejointes par les différents services offerts par la banque alimentaire, ou par le biais de ses organismes accrédités. Au 31 mars 2023, ce chiffre s’établissait à 7644.
« Par rapport à 2022, l’augmentation est de 13 %. Mais si on se compare avec 2019, qui est un meilleur barème que les années pandémiques, on parle de 37 % d’augmentation », mentionne Mireille Lizotte, directrice générale.
Seulement en septembre dernier, 50 nouvelles demandes sont entrées chez Moisson Kamouraska. Étudiants, personnes avec des problématiques de santé mentale, retraités, jeunes familles monoparentales ou biparentales, aucun groupe ne semble être épargné. À cela s’ajoutent des cas d’itinérance de plus en plus fréquents auxquels Mireille Lizotte avoue être confrontée.
« Ce n’était pas comme ça avant. Le visage de la pauvreté change. »
À tort, la population croit que les prestataires d’aide sociale représentent la quasi-totalité de la clientèle de Moisson Kamouraska. Or, les statistiques sont catégoriques, seulement 34,4 % de toutes les personnes qui reçoivent de l’aide de l’organisme répondent à ce critère. « Et ces gens sur l’aide sociale, ce sont des personnes avec des contraintes sévères à l’emploi. Enlevez-vous l’image des Bougon qui profitent du système », illustre crûment la directrice générale.
Manque de ressources
Les dépannages alimentaires offerts par Moisson Kamouraska sont faits sous référence, et viennent avec une forme « d’enquête » de l’organisme sur la situation socioéconomique de la personne aidée. La valeur des paniers varie entre 75 et 80 $ pour une personne seule et plus de 100 $ pour une famille. Cette aide est récurrente, mensuellement ou de façon bimensuelle, pour certaines personnes dont le revenu est inférieur à 15 000 $.
Avec pareille hausse de la demande, Moisson Kamouraska devrait voir la quantité de denrées fournies par le réseau des Banques alimentaires du Québec augmenter, mais ce dernier, tout comme les organismes qu’il dessert, crie famine.
Au printemps dernier, 24 M$ ont été demandés au gouvernement du Québec afin d’acheter des denrées à redistribuer. De cette somme, seulement 6 M$ ont été consentis pour les trois derniers mois de juillet, août et septembre, un manque à gagner de 18 M$.
Régionalement, les organismes comme Moisson Kamouraska doivent de plus en plus se rabattre sur leur communauté pour être en mesure d’avoir des denrées à redistribuer et ainsi éviter le bris de service.
Les supermarchés locaux, jadis de bonnes sources d’approvisionnement, gèrent aujourd’hui les invendus et les périssables sur le point d’expirer de façon plus serrée.
Des enseignes ont aussi fermé et d’autres le feront, notamment Alimentation Coop La Pocatière, une fermeture déjà annoncée que Mireille Lizotte qualifie de « catastrophique ».
« Il faut de plus en plus sortir de l’argent de nos poches pour acheter des denrées, et comme tout le monde, l’inflation fait qu’on en a moins pour notre argent. »
Paniers de Noël
À l’approche de la saison des paniers de Noël, Moisson Kamouraska estime la situation criante, car cette demande supplémentaire s’ajoutera à celles qui sont récurrentes durant toute l’année. Au Kamouraska seulement, l’organisme gère les inscriptions et compose les paniers de Noël dans neuf des dix-sept municipalités.
Elle travaille ensuite en soutien aux organismes des autres localités qui n’ont d’autre choix que de faire appel à Moisson, faute de denrées suffisantes récoltées lors des guignolées.
« Si j’avais une lettre à écrire au père Noël cette année, ça serait pour demander de l’argent pour payer nos paniers, et un financement décent de la part notre gouvernement. Sans ça, je ne vois pas comment on va y arriver. »