OK Google!

Mes pieds en Guadeloupe. Photo : Marc Larouche

Alors? Avez-vous été sages pendant que j’avais les pieds dans le sable? La Guadeloupe est belle. Verte et belle. Verte laisse entendre qu’il doit y avoir de l’eau. Et il y en a eu. Tous les jours, un déluge d’à peine 5 ou 10 minutes, mais assez intense pour convaincre le rat de plage que je suis de quitter en maugréant. L’île compte un nombre incalculable de plages. Heureusement, pour les trouver, j’avais mon assistant personnel portatif, automatique, informatisé et multifonctions.

Mon quoi? Avouez. Si le produit avait été offert comme ça, on aurait fait peur au monde, et on en aurait vendu beaucoup moins de ces téléphones intelligents. Mais un téléphone, tout le monde connaît ça. Va pour la référence. Assez ironique, tout de même, de constater que la plupart d’entre nous s’en servent pour tout, sauf pour téléphoner. Mais l’industrie a créé un besoin tellement fort, que le cœur nous fait trois tours lorsqu’on l’égare.

Ce petit bijou technologique a réussi à s’immiscer dans chaque aspect de nos vies, comme un invité qui refuse de partir et que l’on finit par adopter. Il y a des lunes, j’ai vu une pièce de théâtre où le personnage interprété par Christian Bégin nous promettait une société des loisirs : des jours paisibles à siroter des cocktails sur une plage lointaine, pendant que nos problèmes de bureau se régleraient tout seuls à des milliers de kilomètres. Au lieu de ça, on se retrouve le cou cassé en permanence, à jongler avec des urgences fictives, à prendre des photos de nos pieds, et à guetter frénétiquement la barre de charge de nos téléphones, comme si elle était au sommet de la pyramide de Maslow.

La charge de la batterie est devenue la nouvelle quête du Saint Graal moderne, qu’on cherche désespérément à atteindre avant que notre téléphone ne nous abandonne dans les tréfonds de la déconnexion.

Finalement, tout ce qu’on a fait, c’est d’allonger notre laisse à l’infini. Et désormais, on s’emprisonne avec la liberté que l’on croit se donner. Pensons à la fée Clochette des notifications incessantes, que j’ai même entendue dans la jungle africaine, au Cameroun, alors que le chef d’un village indigène venait de tuer un animal qu’il appelait un rat, et qu’il voulait que l’on partage. « Ding! » J’y ai vu un signe. J’ai refusé poliment.

Big Brother

Et puis, il y a cet étrange paradoxe où l’on se surveille nous-mêmes avec une vigilance digne de Big Brother, tout en consentant joyeusement à partager nos données personnelles avec des entreprises qui ne demandent qu’à nous bombarder de publicités ciblées. Sans parler de Google Map qui nous suit à la trace.

Je me suis aussi retrouvé récemment confronté à mon temps d’écran. Mon ami électronique m’a informé que je passais près de quatre heures rivé à mon téléphone. Pas si pire, me suis-je dit. Mais quatre heures… PAR JOUR! Et je travaille sur un ordinateur. La journée se termine? Vite, le téléphone pour voir défiler la vie des autres en perdant notre temps… ou en répondant aux courriels du bureau.

On pensait être les maîtres de la technologie, mais on se retrouve esclaves de nos inventions. Tellement que la France a intégré le droit à la déconnexion en dehors du travail. Autrement dit, votre patron vous envoie un courriel à 20 h? Vous avez le droit légalement de ne pas être connecté hors des horaires de travail. L’Homme a créé un outil, pour ensuite voter des lois pour s’en protéger. Ils sont fous, ces humains.

La prochaine fois que vous sentirez votre téléphone vibrer, prenez une pause, respirez profondément, et demandez-vous si vous contrôlez vraiment votre téléphone, ou si c’est lui qui vous contrôle. Mieux. Fermons les notifications, incluant la vibration de temps en temps. Sinon, dans cette bataille entre l’homme et la machine, cette dernière pourrait bien remporter la victoire. OK Google, dessine-moi un mouton!