Placotons : La piètre connaissance historique de nos élites

L’affiche de Desjardins. Photo tirée de Facebook

Je suis personnellement un passionné d’Histoire. Je ne sais pas pourquoi, mais l’Histoire avec un grand H ne fascine. J’aime savoir d’où l’on vient, ce qui me permet de mieux connaître le présent, et finalement de savoir davantage où l’on va. Par contre, cette passion n’est visiblement pas partagée par tous, si on se fie au Service des communications de Desjardins. En effet, pour souligner que leurs bureaux étaient fermés le 20 mai en raison de la Journée nationale des patriotes, Desjardins a apposé des affiches avec, au centre, le drapeau canadien… Eh oui!

Plusieurs croyaient au canular puisque, avouons-le, ces derniers sont devenus une plaie sur les réseaux sociaux, car on ne sait désormais plus démêler le vrai du faux. Mais, à ma plus grande surprise, c’était bel et bien réel.

Évidemment, cette bourde en a outré plusieurs, dont une profusion de nationalistes voyant dans ce faux pas un affront direct aux nombreux sacrifices des Patriotes, lors de cette rébellion ayant eu lieu en 1837-1838. Rappelons qu’au Québec, la Journée nationale des patriotes est célébrée depuis l’année 2003, afin de souligner la lutte des Patriotes et leurs revendications pour l’établissement d’un gouvernement démocratique, et par la suite indépendant. Cette fête a par ailleurs été instituée le même jour férié que la fête de la Reine, célébrée dans le reste du Canada.

Plusieurs batailles ont eu lieu lors de ces événements ayant conduit à la défaite des Patriotes dirigés par Louis-Joseph Papineau, ce qui provoqua ensuite l’avènement de l’Acte d’Union de 1840, entre le Haut et le Bas-Canada, et ce, à la suite du Rapport Durham.

Soulignons à grands traits ici que l’objectif de Lord Durham était l’assimilation des Canadiens français, « un peuple sans littérature et sans histoire », comme il le prétendait, ce qui permettra d’asseoir la domination de la majorité anglophone du Haut-Canada. Aujourd’hui, le Québec à majorité française ne représente plus que 22 % du poids politique du Canada…

Les carriéristes et arrivistes au pouvoir?

Que s’est-il passé au juste pour qu’une telle méconnaissance historique frappe le Service des communications de Desjardins? En même temps, sommes-nous réellement surpris? J’ai terminé mon secondaire en 1999. Dix ans plus tard, j’ai eu l’occasion de croiser un de mes anciens enseignants, ainsi qu’un de mes amis d’enfance devenu professeur de philosophie au cégep. Leur constat respectif était sans équivoque; les jeunes ne possédaient plus de culture générale.

Qu’on me comprenne bien, je ne demande pas ici une fine connaissance de l’histoire du Québec dans ses moindres détails, mais bien d’un minimum. Comme le dit le dicton québécois, ça ne prend pas la tête à Papineau pour comprendre que tu ne peux pas souligner la Journée nationale des patriotes en exhibant l’Unifolié…

Toutefois, bien qu’il s’agisse d’une bourde de Desjardins, il ne faut pas oublier non plus que Yaroslav Hunka, un ancien nazi ukrainien, a été ovationné à tout rompre par l’entièreté des élus et des sénateurs du Parlement canadien lorsqu’au mois de septembre dernier, l’ex-président de la Chambre des communes Anthony Rota l’a invité personnellement dans les tribunes lors de la visite du président ukrainien Volodymyr Zelensky.

Il s’avère que pendant le second conflit mondial, l’homme était membre de la 14division de la Waffen-SS, créée par le régime nazi. L’affaire était passée inaperçue, jusqu’à ce que des organisations juives sonnent l’alarme.

Cette malencontreuse situation veut explicitement dire que les députés présents à la Chambre des communes n’ont même pas réalisé la bourde monumentale du président de la Chambre des communes… Oui, 338 élus qui ont, pour les mauvaises raisons, littéralement brillé à la face du monde par leur méconnaissance de l’histoire — une histoire pourtant pas si lointaine.

Avouons que le Canada a eu l’air un tantinet fou lors de cette journée qui marquera à tout jamais les annales de l’histoire du parlementarisme canadien… N’est-ce pas de Gaulle qui disait : « La véritable école du Commandement est la culture générale »?

Le constat

La question mérite quand même d’être posée : cette bévue du Mouvement Desjardins est-elle synonyme d’une continuation naturelle de l’assimilation des Canadiens français (Québécois) proposée par Lord Durham, ou bien est-elle uniquement symptomatique d’un effondrement du niveau scolaire de la société québécoise?

À mon sens, je pense qu’il y a des deux. J’ajouterais toutefois ceci : l’individualisme promu dans les 25 dernières années au détriment du collectif, avec l’augmentation fulgurante de l’insignifiance, notamment à la télévision, et désormais sur les réseaux sociaux — où nos valeurs traditionnelles sont en grande partie disparues pour n’y retrouver finalement qu’une forme de néoculture mondialiste et multiculturaliste axée sur une certaine dégradation des mœurs — n’a sûrement pas contribué à l’élévation de la société.

Je ne dis pas ici de retourner massivement dans les églises, mais je pense que collectivement, à la lumière des derniers événements et de la situation qui prévaut en Occident — ce qui inclut bien évidemment le Québec —, il serait peut-être temps de donner un bon coup de barre avant que l’édifice ne s’effondre. La force d’une nation est à mon sens proportionnelle à la participation volontaire de chaque individu à son édification. Au rythme où vont les choses, si on continue à déraper avec le « je, me, moi » au détriment du collectif, nous assisterons de plus en plus à ce type de situation, où le nivelage vers le bas est malheureusement devenu la norme.

Comme le disait l’écrivain et dramaturge autrichien Peter Handke : « Quand une nation perd ses conteurs, elle perd ses enfants ». Ne pas connaître l’Histoire, c’est à mon sens s’oublier, ce qui permet inéluctablement aux affres du passé de se répéter.