Le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) vient de publier son rapport concernant le projet de parc éolien Pohénégamook–Picard–Saint-Antonin–Wolastokuk qui prévoit l’installation de 56 éoliennes réparties dans les MRC de Kamouraska, de Témiscouata et de Rivière-du-Loup.
Initié par l’Alliance de l’énergie de l’Est et par la société Invenergy, ce projet, lit-on dans le rapport, répond à une volonté croissante de décarboner la production d’énergie au Québec, et de soutenir les objectifs de transition énergétique. Il vise une puissance de 349,8 mégawatts (MW) capable d’alimenter plusieurs communautés.
La commission d’enquête du BAPE a d’abord mis en évidence les retombées positives pour les MRC impliquées, dont Kamouraska, où 30 des 56 éoliennes doivent être installées dans le territoire non organisé de Picard. À terme, ces installations pourraient rapporter quelque 45 millions $ en redevances réparties sur 30 ans.
Le BAPE souligne que cet apport financier est crucial pour de nombreuses communautés locales qui pourraient ainsi diversifier leurs sources de revenus, et alléger la pression fiscale sur leurs résidents. Ces fonds contribueraient aussi à financer des projets de développement social et économique dans la région, répondant aux besoins d’une population qui ressent de plus en plus les effets de la dévitalisation régionale.
Nombreux défis
Le BAPE ne cache pas cependant que de nombreux défis accompagnent ce projet, en particulier sur le plan environnemental. Situé en milieu forestier montagneux, le site retenu abrite des milieux humides et des habitats écologiques sensibles, notamment des corridors de circulation essentiels pour la faune. Le déboisement prévu, qui pourrait atteindre 336 hectares, risque de fragmenter ces corridors et de perturber les écosystèmes locaux. Le BAPE souligne notamment les risques pour certaines espèces fauniques déjà menacées, comme les chauves-souris et la tortue des bois, et recommande que l’initiateur prenne des mesures strictes pour limiter les perturbations sur les habitats naturels.
Ces préoccupations environnementales rejoignent celles des citoyens et des organisations locales. Plusieurs ont exprimé leur inquiétude concernant la préservation de la connectivité écologique et la gestion des écosystèmes hydriques. À ce sujet, le BAPE a souligné que 84,4 % des chemins forestiers utilisés dans le cadre du projet sont déjà existants, un facteur atténuant qui pourrait limiter les effets néfastes sur les corridors écologiques. Toutefois, des ajustements restent nécessaires, et le rapport recommande de réduire au maximum les interventions dans ces zones sensibles pour protéger les passages fauniques vitaux.
Acceptabilité sociale
La question de l’acceptabilité sociale a également été un thème récurrent lors des audiences publiques. Si certains intervenants, comme la Ville de Pohénégamook, ont appuyé le projet pour ses retombées économiques et la création d’emplois dans la région, d’autres citoyens et des organisations telles que le collectif Tourne pas chez nous! se montrent réservés, voire opposés, craignant que le projet dénature le paysage et altère la qualité de vie des résidents. Ils mettent en avant les nuisances sonores et visuelles que pourraient engendrer les éoliennes.
Au terme de son analyse, le BAPE se montre favorable à l’implantation du parc éolien Pohénégamook–Picard–Saint-Antonin–Wolastokuk, soulignant son potentiel de contribuer de manière significative à la transition énergétique du Québec, et de soutenir l’économie régionale.
Toutefois, il conditionne son approbation à la mise en œuvre de mesures d’atténuation plus rigoureuses, et à une meilleure intégration des préoccupations citoyennes. La Commission recommande que l’initiateur optimise le tracé pour limiter le déboisement et les impacts sur les habitats fragiles, et que le ministère de l’Environnement exige des contrôles plus stricts pour protéger la faune, notamment en appliquant des réglages qui immobiliseraient les éoliennes par vent faible, réduisant ainsi les risques pour les chauves-souris.
Pour renforcer l’acceptabilité sociale du projet, le BAPE propose également de créer un comité de liaison citoyenne, garantissant ainsi une communication transparente et continue avec les résidents des MRC concernées. Ce comité pourrait jouer un rôle central dans le suivi de l’impact du projet, et dans la mise en œuvre des engagements pris par l’initiateur. Enfin, le rapport invite les MRC à envisager une démarche d’information régionale pour mieux intégrer les projets énergétiques qui verront le jour sur leur territoire, en collaboration avec le Collectif régional de développement du Bas-Saint-Laurent.