Étant jeune, à l’époque des cassettes VHS — presque celle des dinosaures —, j’avais hâte à Pâques et son effervescence. Je trouvais la messe un peu interminable, mais j’aimais la mise en scène de ce rassemblement. Obligé, mais tout de même. On retrouvait ses amis hibernés en dehors des murs de l’école, et on se gavait de chocolat.
Il y avait aussi la tradition de l’eau de Pâques. La seule fois dans l’année où je croisais mes parents dans le couloir en arrivant de la discothèque, à l’aube, le dimanche de Pâques. Et je les accompagnais pour aller digérer ma pizza et puiser de l’eau à une source. On disait que cette eau, cueillie avant que le soleil se lève, avait des vertus magiques. Elle protégeait, guérissait, portait chance. Mystère pascal, mon nez a quand même grossi…
L’histoire officielle, celle de la religion catholique, est connue et ne change pas. Jésus est crucifié pour les péchés du monde, et ressuscite le troisième jour. Aujourd’hui, on cherche moins la signification profonde de ce sacrifice que des œufs en chocolat.
Wikipédia, dieu du savoir des temps modernes, m’indique que les Romains et les Égyptiens, entre autres, dès l’Antiquité, offraient des œufs peints et décorés pour souligner le retour du printemps. Les œufs symbolisant aussi la fécondité, le renouveau et la création. Le chocolat est arrivé ensuite. Les traditions changent. Certaines tombent dans l’oubli, d’autres se transforment ou reviennent sous une nouvelle forme. On ne fait plus de veillée pascale à la chandelle, mais on continue de se rassembler.
Toujours est-il que…
L’une des beautés de la vie, lorsque l’on prend de l’âge, c’est que l’on tente de comprendre. D’où on vient, où l’on s’en va, comment se font les choses. On essaie de se rapprocher de la nature, de repartir à zéro. J’adore planter d’immenses plantes l’été sur ma terrasse. Cette année, pour la première fois, j’ai acheté des bulbes, question de partir à zéro. Certains matins, si une caméra me surveillait quand je vois d’un air ébahi comment ils ont poussé, on m’enfermerait. Ça pousse vite. C’est beau. Repartir à zéro, recommencer, c’est le cycle de la vie. C’est Pâques.
Ce n’est pas tant les traditions qui comptent, ni les symboles, ni même ce qu’on célèbre. C’est avoir l’occasion de s’arrêter. De voir un petit bulbe beige devenir une superbe plante multicolore, de boire un verre d’eau, de Pâques ou de l’aqueduc, en silence, en se souvenant qu’on n’est pas le centre du monde, mais un grain de sable dans l’univers.
Pâques, au fond, ce n’est peut-être pas une histoire de chocolat ou de miracle. C’est peut-être juste ce moment où on s’accorde une seconde pour se demander si on est toujours en train de pousser dans la bonne direction. Et si on ne l’est plus, de se rappeler qu’il n’est jamais trop tard pour replanter ses racines.