L’organisme de bassins versants de Kamouraska, L’Islet et Rivière-du-Loup a été sollicité dès le début de l’été par l’Association des résidents du lac Saint-Pierre afin de participer à une campagne de sensibilisation auprès des riverains sur les bonnes pratiques à adopter afin de prévenir les cyanobactéries. Si de bonnes choses ont pu être constatées, un constat demeure : le vieillissement du lac Saint-Pierre s’accélère.
Au nombre d’une cinquantaine au milieu des années 2000, les résidences « officielles » autour du lac Saint-Pierre se comptent aujourd’hui au-dessus de 70 selon Manon Ouellet, chargée de projets au volet sensibilisation chez OBAKIR. Elle rappelle qu’en 2006, lorsque ce premier décompte avait été fait, le lac était déjà considéré comme surchargé et qu’il avait atteint sa limite de renouvellement annuel dans le bassin versant.
« Le problème du lac Saint-Pierre, c’est le ruissellement excessif dans son bassin versant. Même si l’eau se renouvelle habituellement en moins de 300 jours, ce n’est pas suffisant en été si le lac demeure agressé de toute part. Avec tout ce qui s’est passé au cours des 20 à 50 dernières années, sa structure écologique a changé et sa profondeur a diminué. Il vieillit maintenant plus rapidement que naturellement », résume-t-elle.
Ainsi, le nouvel épisode d’algues bleu-vert vécu cet été ne l’a pas surprise. Celles-ci ont l’habitude de se former dans les lacs peu profonds et aux eaux relativement chaudes qui sont soumis à un apport excessif en phosphates, un des principaux catalyseurs à une prolifération. Certaines activités humaines en bordure de ces plans d’eau comme l’usage de savons chargés en phosphates, les engrais, les rejets agricoles et même les coliformes fécaux provenant de fosses septiques désuètes deviennent donc problématiques. En l’absence de végétation en bordure des rives qui agissent comme agents filtrant, entre autres, ces indésirables se frayeront ensuite un chemin jusqu’au lac par le biais des eaux d’écoulement, stimulant ainsi l’apparition des cyanobactéries.
À ces éléments, Manon Ouellet ajoute la chaleur, la sécheresse, de nouvelles constructions, le déboisement et de nouveaux aménagements en bordure du lac pour expliquer la prolifération d’algues bleu-vert vécue cet été au lac Saint-Pierre. Des recherches plus poussées doivent être conduites cet automne afin de mieux cerner les causes de l’éclosion de 2021, dit-elle.
« Il ne faut pas oublier non plus que c’est une somme de paramètres qui va occasionner un épisode d’algues bleues et que toutes les activités qui se déroulent dans le bassin versant, que ce soit l’agriculture et les coupes forestières en amont, ont aussi un impact, à même titre que les activités humaines en bordure du lac », a-t-elle ajouté.
Valérie Labrecque, coordonnatrice de la gestion intégrée de l’eau à la MRC de Kamouraska, ne s’est pas dit en désaccord avec Manon Ouellet, mais elle a toute de même tenu à nuancer quelque peu quant au lac Saint-Pierre. « L’agriculture a un impact minime dans le bassin versant. Et il faut dire que ce n’est pas non plus de l’agriculture intensive qui y est pratiquée. Oui, il y a un peu d’activités forestières et les chemins peuvent être problématiques. Mais l’impact principal, il est surtout des riverains », a-t-elle affirmé.
Tournée de sensibilisation
Une tournée de sensibilisation commandée par l’Association des résidents du lac Saint-Pierre et réalisée durant l’été par Manon Ouellet tend d’ailleurs à démontrer qu’il y a encore du chemin à faire du côté des résidents. Le but de l’exercice était de constater les aménagements des riverains afin de prévenir la venue d’algues bleu-vert. Si de bonnes pratiques ont été observées, ils demeurent néanmoins certains aménagements difficiles sur le lac et des bandes riveraines qui ne sont toujours pas respectées.
« Avec la COVID, il y a aussi eu de nouveaux arrivants qui ont pris possession de résidences avec des terrains déjà organisés. Certains n’ont pas encore eu la chance de corriger les erreurs du passé », modère-t-elle.
Un rapport de cette tournée doit d’ailleurs être déposé incessamment. Certains des résidents interrogés se disent toutefois sceptiques par rapport aux conclusions qu’il doit livrer, les gens ayant été visités par l’agente de sensibilisation s’étant « portés volontaires » à l’accueillir. Selon eux, les cas les plus problématiques n’auraient tout simplement pas levé la main pour la recevoir, lors de la dernière assemblée générale annuelle de l’Association.
« Tout le monde a des améliorations à faire, tout le monde doit se sentir responsable et non personnellement visé, a déclaré Manon Ouellet. C’est toutes les activités humaines dans le bassin versant qui sont concernées et ces acteurs n’auront d’autres choix de se concerter s’ils veulent apporter des solutions. »
OBAKIR compterait recommander la reformation d’un comité du lac Saint-Pierre au sein de son rapport, incluant notamment l’Association des résidents, les trois municipalités (Mont-Carmel, Saint-Gabriel-Lalemant et Saint-Pacôme) et d’autres acteurs ayant des activités au sein du bassin versant. « On ne va pas abandonner les riverains », assure Manon Ouellet.
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