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Rien ne va plus à Mont-Carmel

Le Centre municipal de Mont-Carmel, où ont lieu les séances du conseil. Photo: Archives Le Placoteux

Démission d’une employée d’expérience, grogne citoyenne sur les réseaux sociaux, série de décisions municipales contestées, allégations d’un climat de travail malsain, employés en congé de maladie, l’administration municipale de Mont-Carmel est sens dessus dessous. La situation est de plus en plus préoccupante.

Selon nos informations, le climat organisationnel à Mont-Carmel s’est progressivement détérioré depuis l’automne, alors que certaines décisions du conseil municipal — dont l’abolition d’un poste clé sans véritable justification — ont semé l’incompréhension et la frustration.

Dans un mot d’au revoir publié sur Facebook, Émie Vaillancourt, une employée ayant cumulé 12 ans d’expérience dans le milieu municipal, dénonce la façon dont elle a été traitée.

« J’occupais le poste de directrice de la Maison du Haut-Pays, un rôle lié notamment à la mise en valeur et à l’avenir de l’église de Mont-Carmel. À mon retour de congé de maternité, le conseil a aboli mon poste, sans m’apporter quoi que ce soit comme argument ou justification, et m’a assise à un poste de coordonnatrice en loisirs, que j’avais refusé trois fois dans le passé. Comme si je n’étais qu’un pion sur un jeu d’échecs. Je ne peux accepter que l’on me traite de la sorte, et que l’on ne prenne même pas la peine de venir me rencontrer en personne pour prendre le pouls. »

Parmi les reproches exprimés dans son message figure aussi l’absence de protection pour les employés municipaux, laissés seuls à affronter des vagues de critiques de la part du public. « Ce n’est pas digne du Mont-Carmel qui dit voir grand », écrit-elle, dénonçant aussi le comportement de certains élus lors des séances, notamment ceux qui rient pendant la lecture de lettres sérieuses adressées au conseil.

Haine sur les réseaux sociaux

Les réseaux sociaux reflètent ce climat tendu. Plusieurs citoyens expriment ouvertement leur exaspération face aux décisions jugées incohérentes ou non concertées du conseil municipal. Dans l’un de ces groupes, un citoyen ironise sur les nouvelles règles qui interdisent la vente d’alcool lors d’activités où se trouvent des mineurs. « Je pense quasiment à ouvrir un bar clandestin pour les mercredis du parc », écrit-il. Un autre évoque « des décisions stupides et sans consentement des contribuables », citant comme exemple la fermeture du camping du lac de l’Est et l’achat de l’église sans consultation publique comme exemples.

Ces critiques s’ajoutent à d’autres dénonciations récentes concernant l’absence d’entente signée avec le Centre de services scolaire, et la gestion des camps de jour et des installations municipales. Pour plusieurs, Mont-Carmel est aujourd’hui perçu comme un village divisé, dont la gouvernance soulève de nombreuses questions d’éthique, de transparence, et de respect des engagements envers les citoyens et les employés.

Climat tendu et rupture avec les bénévoles

Le climat organisationnel à Mont-Carmel continue de se détériorer. Lors d’une récente séance du conseil municipal, les employés de la Municipalité ont dénoncé par écrit un environnement de travail jugé malsain, évoquant un manque de respect et une rupture du dialogue avec les élus.

« Le conseil doit assumer son rôle d’employeur, et protéger ses employés des attaques publiques », peut-on lire dans la lettre déposée par le personnel, qui faisait notamment référence à un incident survenu lors d’une séance antérieure. Un citoyen, conjoint d’une conseillère, avait alors été autorisé à lire une longue lettre accusant une employée de « manquement grave », sans preuve tangible si ce n’est des propos rapportés de manière anecdotique.

La situation a choqué plusieurs citoyens présents, qui ont rapporté que certains membres du conseil riaient pendant la lecture du document. Ce geste a été perçu comme une marque de mépris, exacerbant le sentiment d’abandon ressenti par les employés. Rappelons que les séances du conseil sont toutes disponibles sur le site internet de la municipalité.

Le comité des loisirs, impliqué depuis longtemps dans la vie communautaire de Mont-Carmel, a aussi pris la parole. Les bénévoles ont exprimé leur malaise face au manque de transparence, à l’absence de consultation, et à un isolement croissant. « On a fait face à des correctifs qu’on a toujours apportés du mieux qu’on pouvait, mais il n’y a pas eu d’écoute », a déploré la présidente du comité.

La situation s’est envenimée à la suite de l’adoption d’une résolution lors de la séance de mars 2025, interdisant la vente d’alcool lors d’activités communautaires destinées aux mineurs. Cette mesure, qui visait explicitement un comité de bénévoles, a été présentée comme une réponse à certaines photos et commentaires reçus à la Municipalité. La résolution précisait que le conseil se réservait le droit d’évaluer l’objectif d’une activité avant de signer un permis d’alcool au nom de la Municipalité.

Des citoyens ont dénoncé un traitement inéquitable, affirmant que des événements comparables, organisés par d’autres groupes, n’avaient pas été ciblés. « C’est incohérent. C’est comme si on voulait punir un comité en particulier », a lancé une citoyenne, en soulignant que la vente d’alcool contrôlée est courante dans les festivals et événements sportifs de la région. Dans le cas présent, les événements mentionnés dans la résolution concernaient plutôt des fêtes familiales, comme Noël et l’Halloween.

La résolution a ensuite été reprise dans une rencontre citoyenne organisée par une partie du conseil, mais sans que l’ensemble du contenu de la résolution soit mentionné dans l’invitation. Une conseillère a même répondu sur Facebook à une citoyenne : « Nous aurons besoin d’une majorité des votes autour de la table pour faire changer les choses », ce qui a été interprété comme une manœuvre politique en vue des élections de novembre.

Des bénévoles s’en vont

Le conflit entre le comité des loisirs et la Municipalité ne date pas d’hier. En novembre 2023, la coordonnatrice en loisirs avait démissionné, évoquant des relations tendues avec certains membres du comité. Depuis, des rencontres ont eu lieu, mais les communications demeurent difficiles. Plusieurs bénévoles sont partis, l’offre de loisirs a été freinée, et la confiance envers les élus s’est érodée. « On voit grand à Mont-Carmel, mais on voit aussi partir nos bénévoles », a lancé un citoyen visiblement exaspéré.

Toutefois, certains ont tenu à rappeler que ces tensions n’étaient pas partagées par l’ensemble de la communauté. Un citoyen a souligné que des employés municipaux avaient contribué bénévolement au succès d’une activité, en tenant le bar et la zone repas. « Vos mauvais employés ont permis d’amasser 5400 $ pour la cagnotte des enfants », a-t-il affirmé avec ironie.

En mai, le conseil municipal a amendé la résolution controversée, mais les blessures semblent encore vives au sein de la communauté.

Un maire sous pression

Alors que Mont-Carmel traverse une période de turbulences, le maire Pierre Saillant confirme que deux employées clés sont en arrêt de travail. Il assure du même souffle travailler pour assurer la continuité des services.

« Ma directrice générale et son adjointe sont en congé de maladie. C’est certain que ça complique les choses, mais au moins, j’ai réussi à faire en sorte que les employés soient payés », a déclaré M. Saillant en entrevue au Placoteux. Il reconnaît que la situation actuelle est difficile, mais refuse de commenter publiquement les causes des démissions, ou les tensions internes évoquées.

« Nous avons eu une rencontre avec le conseil municipal, et nous avons nommé une greffière trésorière. C’est l’urbaniste qui a accepté de nous dépanner. Nous avons aussi statué sur les heures d’ouverture de la Municipalité, afin de pouvoir donner les services aux citoyens. C’est la base. On a réussi à s’organiser pour que ça travaille bien », dit-il, ajoutant continuer de travailler pour trouver des employés susceptibles d’assurer les remplacements.

Le maire affirme que le conseil municipal n’a pas discuté des raisons des deux départs en congé de maladie, ni du dossier de la démission d’une employée d’expérience. « Nous n’avons pas discuté de cela. C’est sûr que notre conseil est divisé, ce n’est pas toujours facile, mais vous savez, c’est normal qu’il y ait des discussions, ça brasse un peu partout. » Aux allégations de climat de travail malsain, le maire Saillant affirme qu’il y a plusieurs choses qui peuvent entrer en ligne de compte. Il admet que des employés ont exprimé leur malaise, notamment lors d’une séance du conseil, disponible en ligne.

« Ça vient de partout, les réseaux sociaux, les ci, les ça, un moment donné, on est tous humains, et on tombe en fatigue. Mais les raisons pour lesquelles les employés sont en congé de maladie, les vraies raisons du médecin, je ne les connais pas, dit-il. Le conseil municipal travaille pour le bien de tous, mais il y a des citoyens pour qui peu importe ce qu’on fait, ils sont toujours en arrière [en désaccord]. Ça devient lourd. En même temps, il faut respecter l’éthique municipale. »

En ce qui a trait au dossier des bénévoles, alors qu’une activité a été privée de permis d’alcool, le maire Saillant explique que l’activité était une fête d’enfants. « C’est le comité familles. C’est moi qui ai décidé. C’était une fête d’enfants, et il n’est pas supposé y avoir de boisson. Une résolution a été adoptée pour interdire l’alcool dans les fêtes d’enfants, comme Noël. Nous avons eu d’autres réunions, on s’est parlé, et la résolution a été retirée. » Les demandes de permis d’alcool sont maintenant étudiées au cas par cas.

Le ministère au fait de la situation

Bien qu’il ne commente pas les situations particulières vécues au sein des municipalités, le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation dit être au fait de la situation qui prévaut au sein de la municipalité de Mont-Carmel, et demeure en communication avec celle-ci.

« Par l’entremise de sa direction régionale, le Ministère offre de l’accompagnement à la Municipalité dans l’exercice de ses fonctions, et répond aux demandes d’information des élus, des employés municipaux et des citoyens, et ce, conformément au Cadre d’intervention en matière d’aide et de soutien aux municipalités en gestion municipale. D’ailleurs, ce cadre d’intervention identifie d’autres possibilités d’intervention que le Ministère pourrait envisager selon l’évolution de la situation et les besoins de la municipalité de Mont-Carmel », écrit le Ministère.

Le maire de Mont-Carmel, Pierre Saillant, dit travailler fort afin que les citoyens continuent de recevoir les services auxquels ils ont droit. Photo : Archives Le Placoteux