Le 27 janvier, les trois municipalités membres du projet de regroupement municipal — La Pocatière, Sainte-Anne-de-la-Pocatière et Saint-Onésime — tenaient une assemblée extraordinaire pour adopter le projet de règlement de leur demande commune de regroupement. Un rapport incomplet a forcé le report de l’adoption prévue, mais Saint-Onésime a tout de même connu une soirée mouvementée après qu’une pétition signée par 313 citoyens ait été déposée.
Dès l’ouverture de la séance, la mairesse Cathy Fontaine a accueilli la requête de Denis Miville et Denis Lizotte, qui souhaitaient déposer une pétition demandant la tenue d’un référendum sur le thème du regroupement municipal, avant toute prise de décision. Selon le libellé de la pétition, le fait que l’enjeu du regroupement n’a été abordé par aucun candidat lors de l’élection de 2021, et que le projet affectera durablement la vie des citoyens « et leur sentiment d’appartenance », impose la tenue d’une consultation référendaire « au nom de la démocratie ».
La mairesse a pris acte du dépôt de la pétition, et la rencontre s’est poursuivie. L’adoption du projet de règlement a cependant dû être reportée. En effet, la loi stipule que la demande de regroupement doit être accompagnée d’une description technique du territoire approuvée par l’arpenteur général du Québec. Or, au moment de tenir le vote, ce document n’avait toujours pas été fourni aux trois municipalités membres du projet. L’adoption a donc été repoussée, et il a été convenu de verser le projet de règlement sur le site de la Municipalité, pour que les citoyens puissent le consulter.
Longue période de questions
Plus de cinquante personnes assistaient à la rencontre, et le dépôt de la pétition a été âprement discuté, même si le ton est resté courtois. Messieurs Miville et Lizotte ont longuement décrit les calculs et les recherches qu’ils avaient effectués, et ont mis en doute les conclusions de l’étude comptable quant aux bénéfices financiers que Saint-Onésime pourrait retirer de la fusion.
La mairesse Fontaine a insisté sur l’intégrité du comptable agréé qui a colligé les données et évalué les retombées administratives et financières du projet. Ceci n’a pas convaincu les opposants au projet, qui étaient nettement majoritaires dans l’assistance.
De nombreux commentaires ont porté sur la perte du sentiment d’appartenance des citoyens face à une nouvelle ville. Même si Mme Fontaine a souligné que compte tenu de la situation financière précaire de la Municipalité, « le sentiment d’appartenance ne paiera pas les factures », le sentiment d’être dépossédé de leur réalité historique a fait consensus dans l’assemblée, occultant même les avantages financiers escomptés.
Les coûts liés à la tenue d’un référendum ont ensuite été invoqués par le conseil pour expliquer sa réticence. Un tel exercice est évalué entre 10 000 $ et 15 000 $, un montant considérable pour cette municipalité de 522 habitants. Les tenants de cette option ont rétorqué qu’une vingtaine de dollars par citoyen était un montant raisonnable pour un exercice démocratique qu’ils jugent essentiel.
Précisions du représentant du MAMH
Une fois la séance levée, conformément aux règles qui régissent sa participation à de telles rencontres, Denis Côté, représentant du Ministère des Affaires municipales et de l’Habitation, a pris la relève du conseil pour éclaircir certains points. Il s’est présenté comme « votre meilleur allié dans ce dossier, puisque c’est moi qui porterai vos commentaires à la ministre ».
Il a entre autres souligné que Saint-Onésime sortait gagnant du processus dans presque tous les secteurs étudiés : répartition de la dette, salaires et représentativité des élus, gestion administrative, taux de taxation, octroi de subventions, maintien des services de proximité. La seule perte encourue serait la perte d’accès de Saint-Onésime au réseau Biblio, qui octroie 55 000 $ par année pour l’achat de livres aux petites municipalités.
M. Côté a ensuite répondu à certaines préoccupations des citoyens, notamment sur les salaires des élus, et sur le délai autorisé pour contester le regroupement auprès de la ministre Andrée Laforest. Ce délai est de 30 jours suivant la publication d’un avis public confirmant l’adoption du projet de règlement par la ville la plus populeuse du projet — en l’occurrence La Pocatière.
Ce fut l’occasion de répéter que la décision ultime sur le regroupement sera prise par la ministre Laforest. M. Côté a donc conseillé aux citoyens de faire parvenir leur pétition au ministère, arguant que la décision finale appartient à celle-ci.
Décision reportée
À la fin de la rencontre, Cathy Fontaine a rappelé que les documents manquants pour l’adoption du projet étaient attendus pour la fin de la semaine du 27 janvier. S’ils sont acheminés à temps, le projet de règlement pourrait être adopté à la séance du conseil du 3 février. Sinon, une autre séance extraordinaire sera planifiée au moment opportun.
Les conseillers sont restés sur place pour discuter en plénière de la suite à donner à la pétition. « Un référendum n’est pas contraignant pour nous aux yeux de la loi, a affirmé Mme Fontaine. C’est pourquoi la pétition aurait beaucoup plus de poids auprès de la ministre, qui pourrait décider de tenir un référendum, aux frais du gouvernement provincial. Ce serait plus payant pour les citoyens de Saint-Onésime de la déposer directement à la ministre. »
Des citoyens partagés
La rencontre du 27 janvier a donné l’occasion aux citoyens de s’exprimer sur le projet de regroupement. Si les voix contre ont été plus nombreuses à se faire entendre, quelques citoyens ont tout de même manifesté leur adhésion au projet. Le Placoteux a recueilli trois témoignages.
Denis Miville a été conseiller municipal à Saint-Onésime de 2017 à 2021, et est d’avis que les finances de la Municipalité sont saines, malgré la hausse généralisée des coûts de fonctionnement. Il aimerait qu’on se concentre sur les échanges de services intermunicipaux. « On peut se regrouper pour acheter en gros et faire des économies d’échelle, et je m’étonne que le conseil ne se penche pas là-dessus. »
Avec Denis Lizotte, Denis Miville a rédigé la pétition qui a été déposée lundi soir. Ils ont aussi fait les démarches pour obtenir les signatures des citoyens. Selon M. Miville, le document comporte 70 % de voix contre le regroupement.
Si le conseil municipal ne donne pas suite à la pétition, M. Miville évaluera la possibilité de suivre l’avis de Denis Côté, le représentant du MAMH, de la déposer directement à la ministre Laforest. « Il n’y a pas seulement l’argent qu’on va sauver qui compte; il y a aussi l’appartenance, il y a l’indépendance », conclut-il.
Denis Lizotte
Denis Lizotte est le partenaire de Denis Miville depuis le début. Lui aussi a été conseiller municipal, et selon lui, jamais la question d’un regroupement n’a été discutée par l’équipe municipale à cette époque. Il allègue une bonne situation financière pour affirmer que le regroupement n’est pas nécessaire. « Saint-Onésime a toujours donné des services aux citoyens, et on n’a presque pas de dette », insiste-t-il.
M. Lizotte déplore que la décision du regroupement n’ait pas été un enjeu lors de la dernière élection. « Ce n’était pas dans leur programme électoral », dit l’ancien conseiller. Lui aussi craint de perdre le sentiment d’appartenance qui le lie à sa municipalité dans le cas d’un regroupement . « Malheureusement, on ne se sent pas écouté », déplore Denis Lizotte.
Marcel Lemieux
Conseiller, maire suppléant, Marcel Lemieux lui aussi connaît bien les réalités de la politique municipale. Avec l’élection qui aura lieu en 2025, il estime qu’il serait beaucoup trop coûteux de tenir un référendum la même année. « Notre municipalité sera probablement déficitaire à la fin de l’année, elle ne peut pas se permettre cette double dépense », affirme-t-il.
M. Lemieux rappelle qu’historiquement, les territoires de La Pocatière, de Sainte-Anne et de Saint-Onésime ont toujours eu des échanges commerciaux et sociaux. « Rien n’a changé, mon grand-père vendait du bois au Collège, et ça continue aujourd’hui. Le regroupement, je vois ça comme un projet commun. Nous serons plus forts au moment de s’asseoir à la table de la MRC, aux côtés des municipalités plus grosses.
