Un crayon, une guitare… et une leçon de vie

Les lecteurs du Placoteux s’ennuieront du trait de plume incisif de Métyvié. Photo : Archives Le Placoteux

La nouvelle m’a scié les jambes. Serge Métivier, notre caricaturiste, qui a su mettre en dessin tout ce que nous ne pouvions pas dire avec des mots, doit cesser ses activités. Pas pour prendre sa retraite, mais pour affronter un cancer de l’estomac.

Toutes les deux semaines, Serge m’appelait pour connaître le sujet de sa caricature. Ces appels étaient toujours plus que des échanges professionnels. On jasait de longues minutes, de tout et de rien, puis tout à coup, il lançait son idée, presque comme une révélation. Pendant qu’on parlait, il réfléchissait, ses pensées s’ordonnaient, comme lors de ces brainstorms au cégep lors desquels, à coups de bière et de pizza, on finissait par accoucher de concepts brillants.

Serge et moi, on s’est connus par médias interposés, sans vraiment se connaître. Mais chaque appel était un peu comme renouer avec un vieux complice. Lorsque j’ai su que je devrais travailler avec lui, j’étais honoré. Serge est mon idole depuis toujours. Il fait partie de notre patrimoine québécois, il est immortalisé sur Wikipédia. J’ai même eu l’honneur d’être caricaturé par lui : Marc Larouche international. Il m’avait deviné après trois minutes de conversation.

Je me souviens de lui à l’émission Ad Lib, animée par Jean-Pierre Coallier. Ses caricatures étaient un baume d’humour et de finesse. Puis, il y a eu Fais-moi un dessin avec Yves Corbeil, où il démontrait son talent. De mon côté, j’animais une pâle adaptation, Devine ce que je dessine. Soyons honnêtes, personne ne peut rivaliser avec son trait, sa créativité et son esprit. Avec lui, une illustration vaut toujours mille mots. Son coup de crayon traduit l’ironie, la joie ou l’absurde avec une précision chirurgicale.

Serge est aussi un passionné de musique, faisant partie de plusieurs groupes rock dans les années 70 et 80. Il jouait encore jusqu’à tout récemment avec le Roadblues Band.

L’artiste aux multiples facettes a su marquer son époque, caricaturant jusqu’à son propre personnage avec son nom de plume, Métyvié. Quand j’ai appris sa maladie, tout s’est figé. J’hésitais à réserver une croisière en Grèce, préoccupé par les coûts. Pendant ce temps, Serge, lui, rêvait depuis longtemps d’un voyage en Italie avec sa conjointe, un projet maintenant sur la glace, tout comme le quotidien qu’il connaissait. Du jour au lendemain, sa vie est devenue un combat pour continuer de vivre.

Matière à réflexion

Ce combat nous rappelle une leçon essentielle : on ne sait jamais combien de temps il nous reste. Alors, pourquoi vivons-nous comme si nous étions immortels? Pourquoi remettons-nous à demain nos rêves, nos projets, nos élans de bonheur? La seule chose qui vaut la peine d’être remise au lendemain, c’est la vaisselle…

À travers l’annonce de sa maladie, Serge nous offre un message, sans même le dire : chaque jour compte. Vivons-le pleinement.

Serge, merci pour tes éclats de rire, cette légèreté que tu as su insuffler à des moments parfois lourds. Merci pour ton sourire contagieux qui résonne encore. Tu as marqué le patrimoine québécois à jamais. La vie continue, et la tienne aussi. Tu as toujours eu cette capacité de transformer les ombres en lumière, alors laisse-nous maintenant t’envoyer toute l’énergie positive que tu nous as donnée.

Dans ton combat, nous sommes là, à tes côtés, à te porter dans nos pensées, comme tu as porté nos fardeaux avec un simple trait de crayon.

La vie est fragile. Mais elle est aussi belle. Et aujourd’hui, elle est là pour être vécue, intensément, passionnément, à ton image.