Nos institutions démocratiques territoriales portent toutes la marque de la centralisation monarchique britannique : elles ignorent la souveraineté du peuple et sont déphasées.
Les 1300 municipalités, créatures de l’État chargées des services de proximité, datent de 1846 — « des machines à taxer », disaient les Canadiens d’alors. Les 104 MRC — dont huit « Villes-MRC » —, chargées de gérer l’aménagement du territoire selon les dispositions de Québec, datent de 1979. Les deux communautés métropolitaines — Montréal et Québec — et 11 agglomérations urbaines datent des fusions municipales de 2002. Les 17 régions « administratives » — qui étaient d’abord 10 —, sans pouvoirs politiques, datent de 1966 et de 1987.
Les paliers local et régional de gouvernement ont particulièrement besoin d’une mise à jour démocratique. Les MRC, dans l’état actuel, sont devenues des extensions des municipalités locales, gérées par les maires élus localement, ce qui en fait de plus en plus des nébuleuses administratives qui rendent peu de comptes aux citoyens ; leurs Schémas d’aménagement sont devenus des fourre-tout illisibles de toutes les directives alambiquées des différents ministères impliqués. Il y a beaucoup de directeurs administratifs, mais peu d’élus imputables et l’information circule mal.
Dans la MRC de Kamouraska, sur 17 municipalités, 11 ont moins de 1 000 habitants, huit en ont moins de 700, six ont plus de 1000 et trois plus de 2000 —La Pocatière, Saint-Pascal, Saint-Alexandre —, pour un total de 21 000 personnes. Dans la MRC de L’Islet, sur 14 municipalités, neuf ont moins de 1 000 habitants, sept en ont moins de 700, cinq ont plus de 1000 et trois plus de 2000 — L’Islet, Saint-Jean-Port-Joli, Saint-Pamphile.
La plupart des municipalités sont désormais trop petites, et donc disposent de ressources trop limitées pour être en mesure de fournir l’ensemble des services de proximité. Elles sont donc forcées de faire appel à la MRC, qui demeure une instance déléguée et non élue — même les 16 d’entre elles qui ont choisi d’élire leur préfet au suffrage universel. C’est pourquoi plusieurs en viennent à penser, surtout en région peu peuplée, que plutôt que d’envisager des fusions municipales douloureuses, il serait préférable d’opter pour faire de la MRC la municipalité commune, avec un conseiller provenant de chaque ex-municipalité (arrondissement), celles-ci étant dotées d’un simple « comité de citoyens » ou « de village » élu annuellement pour gérer les équipements et la vie communautaire, qui n’en resterait pas moins une communauté villageoise.
La situation est toute autre dans une région centrale peuplée comme la Montérégie où il y a un million et demi d’habitants, sept villes de plus de 50 000 habitants et 15 MRC. Chaque région a ses particularités.
Remue-ménage
Tout le monde conviendra qui si on veut des communautés locales et régionales autonomes et gérées avec la participation active des citoyens, il faut un grand remue-ménage dans ces structures. La ministre des Affaires municipales, Mme Andrée Laforest, vient de lancer une « conversation nationale » en vue d’une nouvelle Stratégie nationale d’urbanisme et d’aménagement des territoires pour moderniser la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme qui a plus de 40 ans. C’est un immense chantier, car l’aménagement et l’urbanisme, ça touche nos façons d’utiliser notre territoire et beaucoup d’intérêts divergents : municipalités, zonage, étalement urbain, terres agricoles, forêts, environnement, etc. Plusieurs tentatives passées ont échoué.
Nous en reparlerons, mais comme je l’ai exposé avec André Larocque dans un récent ouvrage sur la décentralisation régionale (Décentralisons-nous !), une nouvelle stratégie qui s’en tiendrait à une révision des structures administratives par les fonctionnaires et les élus en place serait totalement insuffisante. Ne faudrait-il pas envisager, si on veut sortir du cercle fermé des intervenants actuels, de véritables États généraux sur la démocratie territoriale, regroupant des représentants des citoyens locaux, régionaux et nationaux qui seraient invités à redéfinir l’organisation des pouvoirs publics au plan national, régional et local, dans une optique de décentralisation du pouvoir et des ressources ? En effet, il ne s’agit pas seulement de gestion, mais bien plutôt de qui va décider et qui va être responsable.