Le cœur est à la fête pour l’Alliance de l’énergie de l’Est. Un autre parc éolien, cette fois de 291 MW, verra le jour dans la zone Pohénégamook–Picard–Saint-Antonin–Wolastokuk, faisant miroiter de nouvelles retombées économiques pour la région. Or, tous n’adhèrent pas à ce narratif, et le concert des voix discordantes se fait de plus en plus faire entendre par le biais des médias régionaux.
Appelé Pohénégamook–Picard–Saint-Antonin–Wolastokuk 2 (PPAW 2), le projet d’Invenergy et de l’Alliance de l’énergie de l’Est sera développé en partenariat égalitaire. À terme, sa production serait suffisante pour alimenter l’équivalent de plus de 40 000 maisons. Michel Lagacé, président de l’Alliance, s’en réjouit, tout comme le préfet de la MRC de Kamouraska, Sylvain Roy.
« Ce nouveau projet vient confirmer l’expertise extraordinaire de la structure mise en place par l’Alliance. Le résultat à terme apportera des retombées économiques gigantesques pour nos territoires de l’est, en plus de contribuer au futur énergétique du Québec en matière d’énergies propres et renouvelables. »
Un nouveau comité citoyen, appelé Tourne pas chez nous, est pour sa part peu séduit par le vernis vert qu’on accole au développement éolien. Dans une lettre ouverte envoyée au Placoteux, le comité pointe du doigt la déforestation nécessaire au développement du réseau routier pour desservir ces parcs éoliens en territoire non organisé, et la quantité de matières premières nécessaires pour concrétiser la réalisation de ces « projets dits de transition verte ». Bien que cette solution puisse sembler « peu sexy », les signataires Sarah Tavernier et Ian-Marlon Tanguay, tous deux résidents du Kamouraska, plaident pour une « une réduction de nos habitudes de consommation et de notre mode de vie […] pour offrir une planète pérenne aux prochaines générations ».
Le Mouton noir s’en mêle
Le journal indépendant du Bas-Saint-Laurent Le Mouton noir s’est aussi mis de la partie avec la publication d’un imposant dossier sur le développement éolien au Québec, qualifié à la une de véritable « cage à homards ». Parus dans les jours précédents l’annonce d’Invenergy et de l’Alliance de l’Est, les différents articles publiés rapportent des situations pour la plupart survenues au centre de la province : manque de consultation, absence d’acceptabilité sociale, modèle de développement privilégié (partenariats publics-privés), ainsi que l’emprise sonore, visuelle et terrienne des éoliennes, pour ne nommer que quelques exemples de maux attribués au développement de la filière au Québec.
Imperméable à ces critiques, Michel Lagacé défend l’approche privilégiée par l’Alliance, qui regroupe toutes les MRC de Montmagny aux Îles-de-la-Madeleine. Cette dernière demande aux promoteurs privés partenaires de tenir des consultations, « ce qui ne constitue pas une obligation », de rappeler le président. Il conteste aussi l’approche du « pas dans ma cour », en opposant le développement éolien dans le sud du Québec, qui serait vu défavorablement, à celui souhaité de barrages hydroélectriques dans le nord, pourtant à proximité de communautés autochtones. « Et il faut faire attention à ne pas confondre acceptabilité sociale avec unanimité sociale. L’acceptabilité sociale autour du développement éolien ne prend pas seulement en considération l’impact visuel ou l’empreinte écologique des éoliennes, mais également toute l’importance de la transition énergétique vers des énergies vertes, qui va bien au-delà de notre simple territoire. »
Retombées économiques
Les retombées économiques sont aussi largement évoquées pour justifier le développement éolien, bien qu’elles restent difficilement quantifiables pour le moment.
« On a un comité de maximisation qui veille à ce que la région bénéficie au maximum de la construction des projets annoncés. Des travailleurs pourraient être logés jusqu’à La Pocatière », indique Michel Lagacé, en référence au projet Pohénégamook–Picard–Saint-Antonin (PPAW 1) de 349,8 MW dévoilé l’an dernier, qui accueillera une cinquantaine d’éoliennes sur le territoire non organisé de Picard au Kamouraska.
Il y a ensuite les redevances qui se chiffrent entre 800 000 et 900 000 $ depuis quatre ans pour les parcs éoliens déjà en fonction au Bas-Saint-Laurent, des revenus autonomes redistribués entre les municipalités, et qui leur donnent les coudées franches pour différents projets de développement non dépendants de la taxation municipale ou de subventions gouvernementales. À combien se chiffreront ces redevances pour PPAW 2? L’Alliance préfère avoir le coût final du projet avant de les dévoiler. On sait toutefois que l’énergie produite sera acquise par Hydro-Québec au coût de 7,8 ¢ le kilowattheure (kWh), contrairement à 6,1 ¢/kWh pour PPAW 1. Concernant ce dernier, les redevances pour le Kamouraska devraient même être plus substantielles, puisqu’on y trouvera des éoliennes.
Étant partenaire à 50 % dans ces deux projets avec Invenergy, la logique voudrait que l’Alliance de l’énergie de l’Est débourse 500 M$ dans la réalisation de PPAW 2, évaluée à 1 G$, et 450 M$ pour PPAW 1, estimée à 900 M$.
Des investissements de même ampleur pourraient être réalisés de nouveau dans le futur, puisque l’Alliance de l’énergie de l’Est estime avoir encore des gisements éoliens intéressants à exploiter de Montmagny jusqu’à la Gaspésie.
Hydro-Québec prévoirait aussi lancer des appels d’offres annuels afin d’augmenter la production d’électricité nécessaire pour soutenir la transition des énergies fossiles aux énergies propres.
« Lorsque PPW1 sera mis en service en 2026, on devrait mieux connaître les coûts finaux de construction, l’évolution des taux d’intérêt, et la dette associée aux projets. Il sera plus facile à ce moment de bien évaluer les bénéfices que nous en retirerons », conclut le président, qui indirectement donne raison au comité citoyen Tourne pas chez nous sur le flou entourant cette question.