Des arbres par centaine cassés ou déracinés. De l’ameublement extérieur parti en vrille et retrouvé plusieurs mètres plus loin. Des toitures de maisons abîmées. Le cœur de Sainte-Félicité dans L’Islet a été secoué par une intense microrafale le 21 juillet dernier, dont les conséquences aux allures de tornade étaient encore perceptibles près d’une semaine après son passage.
Le maire Alphé St -Pierre n’a jamais rien vu de tel. Il se rappelle un déluge qui a touché sa municipalité en 1983, mais jamais une tempête comme celle du 21 juillet. « On se doute bien que ce n’était pas une tornade, les dégâts ne sont pas assez intenses pour ça. Mais la frousse n’a pas été moins grande pour autant », reconnaît-il.
Vers 13 h 30 le 21 juillet, le temps s’est couvert à Sainte-Félicité. Les éclairs se sont mis à se multiplier et le tonnerre ne semblait pas vouloir s’arrêter. Lorsque le vent combiné à la pluie s’est ensuite mis de la partie, c’est une forme d’intense brouillard qui a recouvert le petit village d’environ 400 âmes.
« J’étais au téléphone avec ma sœur. Je regardais à l’extérieur et au départ ce n’était qu’un gros vent comme on a l’habitude d’en avoir. Mais soudainement, on ne voyait plus rien, j’ai eu peur et je me suis réfugiée au sous-sol avec mes trois enfants », raconte Cindy Morin-Pelletier.
Lorsqu’elle est remontée au rez-de-chaussée, la mère de famille a constaté que la rangée d’arbres qui la séparait de son voisin au nord était complètement tombée, dont un sur la toiture de sa maison. Quant au trampoline de ses enfants, le vent l’avait projeté dans sa piscine à l’arrière.
Arbres « désorientés »
Juste en face de chez Cindy, l’église de Sainte-Félicité se dressait toujours bien droite, solide comme un roc. Beaucoup d’arbres étaient toutefois tombés dans le cimetière à proximité, heureusement sans abîmer les épitaphes. Juste à côté, un sentier pédestre de 3 km est toujours inaccessible une semaine après le passage de la tempête, tellement de troncs et de racines l’obstruent sur l’ensemble de son parcours. « On va en avoir pour au moins deux bonnes semaines pour dégager tout ça », de l’avis du maire.
Derrière l’ancien presbytère, le parc municipal où se trouve le lac du Curé a hérité d’une balançoire « crochie » qui se retrouvait avant dans son pourtour. Dans la forêt adjacente, la cime des arbres pointe désormais vers le nord, une orientation inhabituelle au sens des vents dominants.
« Ce coup de vent là, il est venu du sud, ce qui est plutôt rare à Sainte-Félicité. C’est sûrement pour ça qu’il y a autant d’arbres de cassés et de déracinés, un fort vent dans cette direction-là, ce n’est pas naturel pour eux », explique le maire, dont la municipalité se trouve en plein cœur d’une vaste forêt appalachienne.
Intimité disparue
Eux aussi entourés d’arbres, Marie-Claude Blanchet et Jean-Philippe Robichaud ont vu leur intimité chassée par cette tempête alors que la forêt qui séparait leur maison de la route a complètement été arrachée. Une dizaine de personnes et un prêt de machinerie de Régis Chabot, propriétaire du Restaurant Chez Réjean à Saint-Pampile, ont permis de tout nettoyer en l’espace de trois jours. « Il va rester à enlever les souches, à niveler le terrain et semer de la pelouse. Ça fait quand même mal au cœur de voir ça. On aimait bien être entouré de forêt », déplore Jean-Philippe.
Sa conjointe Marie-Claude se console en se disant que personne n’a été blessé et que les dommages ne sont que matériels. Seule à la maison avec sa fille lorsque la tempête a frappé, ce n’est que lorsqu’elle est sortie de chez elle qu’elle a pris conscience de l’ampleur des dommages à sa propriété.
« Un arbre était tombé sur le module de jeux de ma fille, le mât électrique a été arraché et l’entrée électrique a été brisée. On a été sans électricité et sans internet durant trois jours. Heureusement qu’on avait des génératrices, mais c’était impossible pour nous de faire des appels sans le wifi, il n’y a pas de réseau cellulaire à Sainte-Félicité ! Gérer la partie avec nos assureurs a été tout un casse-tête. Merci à la famille et aux voisins qui nous ont donné accès à leurs téléphones », dit-elle.
Des commissions salutaires
Avec Marie-Claude Blanchet et Jean-Philippe Robichaud, Doris et Donat Pelletier sont de ceux qui ont eu le plus de dommage à leur résidence. Le couple âgé l’a aussi échappé belle, lui qui a quitté son domicile vers 13 h pour faire une série de commissions, environ 15 minutes avant que la tempête ne frappe. « Merci mon Dieu ! », s’exclame aujourd’hui Donat Pelletier.
« Donat était assis en dessous de l’abri d’auto comme on fait toujours. Je lui ai demandé s’il voulait m’accompagner pour faire l’épicerie et il ne voulait pas. Je lui ai dit : “C’est en train de se couvrir, viens donc !” Juste penser ce qui aurait pu lui arriver s’il n’était pas venu avec moi, ça me donne la chair de poule », confesse Doris.
Durant leur absence, l’abri d’auto fixé au toit de leur maison a été soufflé à côté de leur remise dans la cour arrière. Il a apporté avec lui une partie du revêtement extérieur, le soffite de la toiture, l’escalier donnant accès à la maison, le barbecue et des meubles de jardin. Une chaise de l’ensemble patio a même été retrouvée plantée dans la roulotte du couple. Tous ces dégâts ont été accompagnés d’infiltrations d’eau dans la résidence des Pelletier, car la pluie s’est poursuivie de façon plus ou moins continue durant au moins six bonnes heures ce jour-là à Sainte-Félicité. Le tout a depuis été colmaté et le couple doit maintenant attendre la fin des vacances de la construction avant qu’un entrepreneur ne complète les réparations.
« On essaie de s’imaginer le bruit que ça peut faire, mais un de mes neveux dans la région de Montréal a déjà été témoin d’une tempête comme celle-là et il m’a dit : “Ma tante, vous étiez mieux d’être partis !” »
Microrafale
Selon les données récoltées par les radars d’Environnement Canada et les images partagées au météorologue Peter Kimbell, le phénomène météorologique qui aurait frappé Sainte-Félicité s’apparenterait davantage à une microrafale qu’une tornade. « Les dommages sont réels, mais modérés si l’on compare à ceux survenus à Saint-Adolphe-d’Howard (NDLR Une tornade a touché cette localité le 23 juillet). »
Même concernant la microrafale, Peter Kimbell ne peut statuer avec certitude, puisque Sainte-Félicité se trouve à la limite de la portée des quatre principaux radars d’Environnement Canada qui la ceinture. « Les données montrent qu’une série d’orages a frappé la région et qu’il y avait des vents en provenance de courants descendants. On peut dire que les vents avoisinaient certainement les 90 km/h, ce qui est la limite où l’on voit généralement des dommages apparaître », conclut-il.