Voter, qu’ossa donne ?

Nous sommes dans les élections par-dessus la tête : fédérales, municipales et bientôt québécoises. On nous l’a souvent répété : voter à des élections libres est un privilège, un devoir même, que n’ont pas les Chinois, ni les Russes, ni beaucoup de pays soumis à des dictatures. Le vote est l’expression de notre pouvoir comme citoyens et des élections libres sont le fondement d’un État démocratique.

Pourtant, un pourcentage de plus en plus élevé de citoyens ne votent plus parce qu’ils sentent que leur vote ne compte pas, que la politique nous échappe, que c’est l’affaire des partis politiques… et des journalistes. Le taux de participation à la récente élection fédérale n’a été que de 59 %.

Les élections sont devenues une sorte de grand jeu où les joueurs sur la glace sont les partis politiques. Ce sont les partis et leurs chefs qui déclenchent les élections, qui financent les campagnes, qui fixent les thèmes et les programmes, qui choisissent les candidats, leur imposent la ligne de parti et nous les imposent : nous, on est dans les estrades et on ne nous demande que de mettre notre croix pour le club — et le joueur — qu’on a préféré. Et on vote avant tout pour le chef et le parti.

En plus, le mode de scrutin en place donne le pouvoir non pas au parti qui a le plus de votes dans tout le pays, mais au parti qui fait élire, à majorité simple, le plus de députés, ce qui fait que ceux qui nous gouvernent n’ont souvent obtenu guère plus que 30 % des votes, souvent concentrés dans certaines régions. Sans compter les abstentions et les votes blancs qui ne sont pas comptabilisés. C’est le cas de la dernière élection fédérale : les conservateurs ont obtenu plus de votes que les libéraux, mais c’est Trudeau qui va former le gouvernement avec à peine plus de 30 % du vote et 39 députés de plus que les conservateurs.

La vraie démocratie, c’est le pouvoir du peuple : pas le pouvoir des partis politiques, pas le pouvoir de députés partisans. C’est un droit et un pouvoir pour chaque citoyen de participer aux décisions, mieux, de décider. On est loin de ça. On s’imagine à tort qu’on ne peut pas se passer des partis politiques. Les partis politiques devraient être exclus du processus électoral et parlementaire comme toute autre organisation de la société civile : ils le sont dans la plupart des élections municipales et on ne s’en porte que mieux.

Le problème, c’est surtout qu’on ne demande notre avis que lors de l’élection. Durant les quatre ans qui suivent, les élus préfèrent ne pas avoir les citoyens dans les jambes : « laissez-nous gouverner en paix ! » On n’a plus aucun moyen efficace d’intervenir, sauf faire des pétitions ou manifester dans les rues sans rapport de force véritable.

La réforme démocratique est la clé de toutes les réformes : le contrôle des décisions par le peuple. Pour améliorer la vie démocratique, il faut exiger un mode d’élection plus juste, de l’information en permanence, des consultations publiques, des comités et des jury citoyens, des référendums, des initiatives populaires qui, avec un nombre raisonnable de signatures, permettraient d’exiger un changement à la constitution ou à un programme ou une nouvelle loi, ou l’abolition d’une décision ou la destitution d’un élu. Il faut rétablir un lien continu entre les élus et les citoyens, permettre aux citoyens de s’impliquer dans les décisions collectives et créer des communautés responsables et autonomes.

Sinon, on risque la rupture complète entre les citoyens et les institutions politiques… et l’élection de petits Trump ou de petits Bernier.