Le démantèlement du barrage le plus en aval de la rivière Trois-Saumons à Saint-Jean-Port-Joli aurait certainement un impact positif sur la faune aquatique. Par contre, rien n’est moins sûr en ce qui concerne la frayère d’éperlan arc-en-ciel découverte à l’embouchure de la rivière en 2019.
Biologiste au Bureau d’écologie appliquée, Marylène Ricard fait partie de ceux qui ont contribué à découvrir la frayère d’éperlan arc-en-ciel en aval du barrage de la rivière Trois-Saumons en 2019. Le printemps dernier, les observations de ses collègues et elles ont permis de constater que la frayère était beaucoup plus étendue que ce qui avait été appréhendé lors de la découverte réalisée deux ans auparavant au même endroit.
L’éperlan arc-en-ciel étant une espèce ayant connu une baisse significative de sa population ces dernières décennies, cette bonne nouvelle est toute de même accompagnée de craintes. « Déjà en 2019, on observait qu’il y avait une bonne quantité d’œufs à l’extérieur de l’eau, à cause de l’effet de la marée. C’est sûr que ce n’est pas idéal, car les œufs se retrouvent à sécher à l’extérieur de l’eau et à mourir », mentionne la biologiste.
Dans l’éventualité du retrait du barrage, on s’inquiète maintenant de l’apport en sédiments qui sera soudainement libéré et de la possibilité qu’ils viennent recouvrir la frayère. À elle seule, la brèche ouverte l’an dernier a déjà la capacité de laisser passer davantage de sédiments habituellement retenus par le barrage.
« Selon moi, la frayère pourrait être à risque. Mais il est évident que seules des études plus poussées nous permettront de mieux comprendre comment la rivière va se comporter une fois le barrage retiré », ajoute Marylène Ricard.
Anguille
Concernant l’anguille, une autre espèce menacée dans nos cours d’eau depuis plusieurs années, Marlène Ricard soulignait que le retrait du barrage pourrait être bénéfique pour cette espèce. Elle rappelle qu’il est connu depuis longtemps que les problématiques associées aux populations d’anguilles au Québec sont en lien avec la présence des barrages sur nos rivières.
« L’anguille se reproduit dans la mer des Sargasses, au nord-est des Antilles, elle migre ensuite en partie vers le Saint-Laurent puis ses affluents. C’est une espèce qui est capable de remontrer les barrages, mais le problème est quand elle redescend, elle se fait turbiner. »
Dans le contexte des changements climatiques où les différentes espèces sont amenées à circuler davantage afin de retrouver les conditions propices à leur établissement, la biologiste insiste sur l’importance d’adapter les écosystèmes à ces déplacements. Chez les poissons, cela passe entre autres par le retrait des obstacles, ces nombreux barrages d’antan qui ne sont plus utilisés, comme celui sur la rivière Trois-Saumons qu’on envisage aujourd’hui de démanteler.
« L’acquisition de connaissances qui va découler de ce projet de démantèlement est très importante et doit être bien documentée, car il est à prévoir qu’il y aura davantage d’entreprises similaires dans le futur. On peut donc penser que les observations qui seront faites au barrage de rivière Trois-Saumons permettront d’orienter le travail ailleurs. »