L’émigration aux États-Unis, préjugés et perceptions

Photo : Des visiteurs franco-américains chez Félix Bélanger à La Pocatière, dans les années 1930. Source : Archives de la Côte-du-Sud.

Entre 1840 et 1930, près d’un million de Canadiens émigrent aux États-Unis. Durant cette période, 2184 familles quittent le comté de Kamouraska pour les États-Unis. Dans L’Islet, l’émigration touche 1306 familles. Comment cette émigration est-elle perçue?

Le départ des habitants de la Côte-du-Sud pour les filatures ou les briqueteries de la Nouvelle-Angleterre a suscité bien des réactions. À commencer par le clergé qui s’inquiète de cet exode. Le missionnaire colonisateur de l’Abitibi Ivanhoë Caron n’hésite pas à se rendre aux États-Unis pour convaincre les Canadiens français de revenir au Canada.

Donnant une conférence à Chicopee Falls au Massachusetts, l’abbé Caron leur promet des terres dans la nouvelle région de l’Abitibi. En visitant successivement le Rhode Island, le Connecticut, le Massachusetts, le New Hampshire et le Maine entre le 21 février et le 21 mars 1910, Caron réussit à recruter 474 personnes. Infatigable, il donne des conférences dans les paroisses de la Côte-du-Sud pour attirer les habitants vers l’Abitibi.

Le préjugé négatif envers l’émigration s’accentue avec les années. Le clergé craint de perdre son pouvoir. Incapables de retenir les Canadiens français, les élites politiques et les journaux font croire que les émigrants sont des lâches et des déserteurs, raconte l’historien Yves Roby. Une culture du mépris s’installe dit-il. Par ailleurs, les Canadiens français établis aux États-Unis ont une tout autre version. Leur départ s’explique par la misère, le chômage et la rareté des terres cultivables. À la fin du 19e siècle toutefois, le sentiment d’appartenance à une communauté francophone en milieu américain se fait de plus en plus sentir. Certains s’établissent de façon permanente, tout en entretenant des liens avec leur famille d’origine. D’autres reviennent sur la Côte-du-Sud. Annuellement, à la période estivale, plusieurs Québécois reçoivent encore de nos jours des cousins et des cousines des États-Unis. L’expression populaire « ma tante des États » n’est donc pas anodine.

Pour en savoir plus voir : Roby, Y. (1987). « Les Canadiens français des États-Unis (1860-1900) : dévoyés ou missionnaires », Revue d’histoire de l’Amérique française, 41 (1), 3–22.