Le gouvernement de la CAQ — qui semble cet été avoir arrêté sa saignée des derniers mois en récoltant 24 % des intentions de vote au Québec, avec une hausse de 5 % de la satisfaction de la population à son égard — espérait une rentrée parlementaire sans faux pas, afin de se redonner un élan pour regagner la faveur du public. Comble de malheur pour les troupes caquistes, le puissant ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie ainsi que du Développement économique régional et de la Métropole, Pierre Fitzgibbon, a annoncé à la surprise générale qu’il quittait le navire, et ce, juste avant que la Coalition avenir Québec entame son caucus présessionnel à Rimouski.
La journée du mardi 3 septembre avait pourtant semblé en être une usuelle pour le ministre, puisque le matin même, il était au micro de Patrick Lagacé au 98,5, où il affirmait que malgré les mauvaises nouvelles qui s’accumulaient avec le géant suédois Northvolt, et le ralentissement mondial touchant l’industrie des véhicules électriques, il croyait toujours au projet. Les retards ne mettaient donc pas en péril le projet de méga-usine de batteries sur la Rive-Sud de Montréal.
« Mon enthousiasme demeure, parce que je pense que la destination de la filière batterie, le positionnement du Québec stratégique en termes de minéraux critiques, de l’électricité verte, je pense que nos forces vives vont demeurer. Maintenant, c’est important qu’on parle de la rigueur financière du gouvernement. À ce jour, on n’a pas donné de subvention à personne », disait-il à Patrick Lagacé.
Plus tard dans la journée, on apprenait avec stupéfaction qu’il démissionnait, alors que selon les propos du journaliste du 98,5 Louis Lacroix, le bureau du premier ministre n’était pas au courant. Néanmoins, selon la version officielle sortie ensuite, Fitzgibbon souhaitait, dit-on, quitter ses fonctions en décembre prochain, mais au terme d’une discussion avec François Legault, sa décision aurait finalement été prise la veille de mettre fin immédiatement à son aventure politique. Connaissant déjà la date de son départ, François Legault ne voulait pas qu’il devienne une distraction pour le gouvernement.
Les contradictions avec Legault
Selon le Parti libéral du Québec, une chicane sur les tarifs d’électricité serait à l’origine du départ de Pierre Fitzgibbon. François Legault aurait ainsi montré la porte à son superministre de l’Énergie, qui aurait osé dire la vérité aux Québécois en affirmant que lesdits tarifs doubleraient, voire même tripleraient d’ici dix ans, alors que le premier ministre déclarait quant à lui que sous sa gouverne, les hausses seraient toujours limitées à 3 %.
Ce n’était d’ailleurs pas la première fois que Legault reprenait les propos de son ami, car à maintes reprises, les deux hommes n’avaient pas le même discours sur certains sujets. On se rappellera que, contrairement à son chef, Pierre Fitzgibbon voyait d’un très bon œil la prise de contrôle de la C Series par Airbus, alors que la mainmise d’Airbus sur la Série C de Bombardier représentait, selon Legault, un jour triste pour le Québec. On peut également se souvenir de la fois où François Legault a laissé entendre qu’il voulait réduire le parc automobile au Québec, mais pas nécessairement de moitié, comme l’avait précédemment évoqué Pierre Fitzgibbon.
D’autres histoires ont aussi marqué le passage de Fitzgibbon comme superministre, notamment ses nombreux manquements à l’éthique, ses propos controversés sur la sobriété énergétique et le lave-vaisselle la nuit, ses investissements risqués, dont Northvolt, Lion Électrique, Flying Whales et le Panier Bleu, pour ne nommer que ces exemples.
La question qu’on doit se poser maintenant est la suivante : Est-ce que Pierre Fitzgibbon se sauve de sa fonction parce qu’il sent la soupe chaude arriver concernant notamment ses investissements dans Northvolt? Ou bien François Legault en a-t-il eu assez des frasques de son puissant ministre, qui prenait peut-être un peu trop de place tout en ne jouant pas la joute politique selon les règles de l’art? Pierre Fitzgibbon explique quant à lui que sa démission est reliée à un déclin de motivation. Qui dit vrai?
Quoi qu’il en soit, le départ de Pierre Fitzgibbon entraînera d’ici six mois le déclenchement d’une élection partielle dans la circonscription de Terrebonne, au moment où, selon Québec 125, le Parti Québécois y récolte 38 % des intentions de vote, tandis que la CAQ n’obtient que 30 %.
Ainsi, une autre défaite dans une partielle pour la CAQ — ce qui est fort probable dans les circonstances présentes —, pourrait relancer le PQ qui a perdu du « momentum » au courant de l’été. Il est aussi vrai de dire qu’une autre défaite de la formation de François Legault pourrait, à l’échelle nationale, les faire repartir vers le bas, ce qui est loin d’être une bonne nouvelle pour le député caquiste de Côte-du-Sud, actuellement aux coude à coude avec la PQ dans la circonscription avec respectivement 28 % pour les deux formations.