Il est beaucoup question, ces temps-ci, de fusions municipales au Kamouraska et dans L’Islet. Les citoyens commencent à s’inquiéter, et avec raison je pense.
D’abord, le débat se passe beaucoup au niveau des élus, et les citoyens tardent souvent à être mis dans le coup. C’est pourtant de LEUR gouvernement de proximité qu’il s’agit. Ce n’est pas sain.
Mais surtout, l’écho qu’on en a nous laisse entendre que le problème est surtout discuté sous son aspect administratif et financier, sans trop tenir compte de la question communautaire et identitaire. Les municipalités seraient trop petites pour pouvoir se payer le personnel désormais requis pour faire face aux obligations de plus en plus lourdes imposées aux municipalités : contrôles bureaucratiques, infrastructures, logement, évaluation, taxation, culture, loisirs, environnement, adaptation aux changements climatiques, eau potable, égouts, routes, urbanisme, services incendie, services aux jeunes, aux familles, aux aînés, etc.
Il y a sûrement des regroupements à faire au niveau des services, et il y en a déjà beaucoup qui se font en régie intermunicipale ou par le biais de la MRC. Mais l’expérience a montré que les économies promises lors de fusions municipales se sont rarement concrétisées. Si, par exemple, on fusionne les directions générales de plusieurs municipalités, le ou la nouvelle directrice générale ne pourra pas assister à toutes les réunions municipales les premiers lundis du mois : il va lui falloir des adjoint(e)s!
Mais le cœur de la question n’est pas là. Il est dans la qualité de la vie communautaire et démocratique. Les villages sont et vont demeurer des communautés territoriales qui ont une histoire, une culture et une appartenance. Certains de ces villages ont, ces dernières années, grâce à leurs citoyens, créé des leviers originaux de développement et d’attraction locale qu’ils ont raison de ne pas vouloir laisser entre les mains de la municipalité centrale, qui s’agrégerait les plus petites sans forcément tenir compte de leur patrimoine communautaire. Cela serait d’autant plus à craindre si les petites municipalités agrégées ne constituent pas vraiment une sorte de banlieue ou de couronne naturelle de la municipalité centrale impliquée (lieu de travail). Une communauté territoriale ne se résume pas à des chiffres.
De plus, il est clair que ces fusions avec une municipalité centrale rendraient plus diffuses la représentation et la participation des citoyens aux décisions et à la vie de leur communauté territoriale. Au pire, il me paraîtrait essentiel, en cas de fusion, d’instituer dans chaque communauté fusionnée un comité de citoyens élu annuellement, pour permettre aux citoyens de gérer leurs équipements locaux (culturels, sportifs, communautaires), en un mot, leur vie communautaire locale. Mais de cela, je n’ai entendu ni lu mot nulle part.
Un dernier point me paraît important. Nous allons rapidement vers une crise écologique qui va nous obliger à revenir le plus possible, en ville comme en campagne, à des communautés de plus en plus autonomes, autosuffisantes et durables, avec moins de déplacements des personnes et des biens. En d’autres mots, l’avenir n’est pas dans la centralisation, mais dans la décentralisation. Plutôt que de chercher à centraliser les services et les décisions, ne faudrait-il pas réapprendre la prise en charge locale de nos besoins, et plutôt que de créer des « citoyens-clients », ne faudrait-il pas former des « citoyens-responsables »?
En ce sens, je me demande si les fusions ne sont pas une solution du passé plus que d’avenir. Est-ce trop demander à nos élus que d’y réfléchir à deux fois… avec les citoyens?