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Le conflit israélo-palestinien : L’injustifiable paradoxe

La Terre promise est le théâtre d’un génocide qui la laissera déchirée pour longtemps. Photo : Eddie & Carolina Stigson, Unsplash

Depuis le 7 octobre 2023, le conflit israélo-palestinien est entré dans une phase paroxystique. L’attaque du Hamas, qui a fait près de 1200 morts et 5000 blessés, en majorité des civils, a appelé une riposte dont la sévérité a mené l’ONU à la qualifier de génocide. Depuis peu, ce conflit a des répercussions jusque dans notre région, l’entreprise Premier Tech se retrouvant au cœur d’une controverse causée par son partenariat avec l’équipe cycliste Israel-Premier Tech. Je tente ici de cerner l’historique de cette guerre pour la rendre, si cela est possible, un peu plus digeste.

Les historiens et les archéologues fixent l’émergence du Royaume d’Israël autour de mille ans avant J.-C., dans la région du Croissant fertile, un coin de désert où il pleut assez pour pratiquer l’agriculture. Il traverse ce que sont aujourd’hui les territoires d’Israël, de la Jordanie, de la Syrie et du Liban, frôlant au passage la Turquie, l’Irak et l’Iran. Le Nil, le Tigre et l’Euphrate l’abreuvent.

Son histoire, comme celle de tous les peuples, est marquée par plusieurs conflits. Dès l’Empire romain, le peuple juif connaît l’exil et la persécution, et l’avènement du christianisme ne fait rien pour apaiser les choses. Au Moyen Âge, alimentés par la rhétorique catholique anti-juive, les massacres se multiplient. Parallèlement, les Juifs profitent de l’interdiction faite aux chrétiens de prêter de l’argent contre intérêt pour prendre en charge les fonctions financières de la société. Le lecteur pourra y voir la source de certains préjugés tenaces.

La Terre promise

Les Juifs sont accusés de tous les maux, sont persécutés et chassés violemment de partout en Europe. Ils se réfugient au Maghreb et dans l’Empire ottoman, lequel, après la Première Guerre mondiale, se trouve partagé entre plusieurs pays européens. Le Royaume-Uni reçoit alors le mandat de la Palestine, avec la responsabilité d’assurer la cohabitation des peuples qui y vivent. Avec la déclaration de Balfour en 1917, les Britanniques se déclarent en faveur de l’établissement d’un « foyer national juif » en Palestine, un concept flou, ni nation ni État ; une ambiguïté dont les effets perdurent encore aujourd’hui.

À cette époque, les Juifs achètent en Palestine les terres qu’ils veulent occuper. Les Arabes, s’ils habitent de facto le territoire depuis des siècles, n’en sont néanmoins pas les propriétaires en titre. L’arrivée des migrants juifs provoque des escarmouches qui culminent avec la révolte de 1938-1939, alors que les Arabes protestent contre le fait de se voir déposséder de leurs terres ancestrales.

Après la Seconde Guerre, en 1947, on tente de réparer les horreurs nazies. L’ONU adopte une résolution consacrant la division de la Palestine en un État juif et un État arabe. Aussitôt, la guerre civile éclate, et les conflits se succèdent, avec chaque fois un gain territorial pour Israël, et l’expulsion des Arabes vers des portions toujours plus restreintes du territoire palestinien.

En parallèle, les Juifs de partout dans le monde reviennent vers la Terre promise. Les vagues migratoires se succèdent, soutenues par la diaspora internationale. Entre 1948 et 1951, la population juive double.

Les Arabes se sentent spoliés, et la résistance se traduit par des attentats qui vont en s’intensifiant. À partir de 1967, cette région du monde est placée sous le signe du terrorisme arabe et des guerres déclenchées par Israël en riposte, ou par mesure préventive comme en 1967. Toujours, Israël obtient le soutien de la communauté internationale, nourri par une certaine culpabilité post-Shoah, et par l’activisme intense de la diaspora juive dans tous les pays.

Si de nombreux pays semblent favoriser une solution à deux États en Israël, on ne peut que constater que les gouvernements israéliens successifs n’ont jamais démontré leur désir de faire une place au peuple arabe dans leur schéma d’aménagement.

Depuis 1948, le retour du peuple juif en Israël a été marqué par l’accaparement des terres. Les territoires « réservés » aux Arabes ont été réquisitionnés au fil des années, souvent dans la violence. Des colonies ont été implantées au mépris des accords internationaux. De nombreux témoignages font état de maisons incendiées, de vignes arrachées, d’expulsions à la pointe du fusil, sans que jamais ces actes ne soient sanctionnés par les autorités israéliennes, et sans aucunes représailles de la part du reste du monde.

Aujourd’hui

Depuis le 7 octobre 2023, cette colonisation sauvage s’est intensifiée. De jeunes colons ultraradicaux imposent leurs campements partout en Cisjordanie, morcelant le territoire de telle façon qu’il sera impossible de concrétiser deux États, même si on en avait la volonté. La bande de Gaza, ultime refuge des Palestiniens, est en voie d’être rasée. De mauvaises langues disent qu’on déblaie le terrain pour faire de la place à ce qui pourrait devenir une Riviera israélienne, financée par les États-Unis.

Chaque jour, les Palestiniens sont poussés à l’exil, mais vers où ? Ils sont persona non grata partout dans le monde, même dans les pays arabes qui devraient pourtant leur être favorables, mais qui sont coincés par des considérations géopolitiques inextricables.

Le 16 septembre, le paradoxe juif a culminé avec la déclaration de l’ONU : Israël, la Terre promise d’un peuple ostracisé depuis des siècles, est le siège d’un génocide. Le reste du monde doit maintenant admettre que les victimes de la Shoah — le plus grand massacre de l’Histoire — sont aujourd’hui les bourreaux d’un peuple dont ils refusent obstinément le voisinage.

Les historiens du futur auront du pain sur la planche pour départager qui est la cause de quoi. Le terrorisme arabe et l’autoritarisme israélien sont les deux mamelles de cette guerre. L’un et l’autre s’expliquent, aucun des deux ne se justifie. La religion, l’argent et la politique s’entremêlent, les théories du complot se multiplient, jamais personne n’ose éclairer les coins sombres de la politique internationale. Et les enfants des uns grandissent dans la haine des autres, des deux côtés de la clôture.

Mais surtout, au-delà des fines analyses, il reste un fait intolérable : le peuple palestinien meurt pendant que le monde palabre.

En plus de la documentation générale, ma recherche et ma réflexion ont été soutenues très généreusement par les connaissances de Benjamin Tremblay, analyste géopolitique indépendant et créateur du projet Sept jours sur Terre qui analyse l’actualité internationale sur plusieurs plateformes. Je l’en remercie.