« Ah ! les agents d’assurance, moi j’vous dis que je les arrange, quand j’en vois un arriver, je barre ma porte pis je va me cacher. » Vous vous souvenez de cette chanson de La Bolduc ? Je l’ai entendue toute mon enfance. Souvent. Ma mère se faisait un malin plaisir de la chanter à mon père… un agent d’assurance. Pour ajouter au sarcasme, elle bonifiait le tout d’un rire fort, presque sadique. J’ai de qui tenir.
Les assurances, c’est nécessaire ? En tout cas, on trouve que ça l’aurait été… surtout quand on n’en a pas pris. Mon père répétait que l’assurance, c’était la tranquillité d’esprit. Il racontait souvent l’histoire d’un agriculteur de ses amis. Un gars prudent, prévoyant, qui avait payé ses primes d’assurance sans faute pendant vingt ans. Rien ne s’était jamais passé. Pas un dégât d’eau, pas un feu, pas même une inondation comme « vache qui pisse » disent les Français.
Un printemps, trouvant qu’il gaspillait son argent, il n’a pas renouvelé. Quelques jours plus tard, un incendie a ravagé sa maison, sa grange, tout. Il trouvait qu’il jetait son argent par les fenêtres, il l’a plutôt jeté dans le feu. Je ne sais pas s’il a existé. C’est comme le Bonhomme Sept Heures. Tout le monde le connaît, mais personne ne l’a jamais vu. À voir la face des gens à qui mon père racontait l’histoire, elle faisait son effet. Renouvellement assuré, sans jeu de mots !
Au fond, les assurances, c’est une gestion de risque. Une façon d’essayer de dompter le hasard, de se dire qu’on a un plan B si la vie décide de nous tester. C’est comme acheter un parapluie en espérant qu’il ne pleuve pas, ou un extincteur en espérant qu’on n’ait jamais à en retirer la goupille. On paie pour du « au cas où ». S’il arrive, on est bien content d’être protégé.
Toujours est-il que…
Au moment où vous lisez ces lignes, je suis justement en plein dans une leçon de risque. Un ouragan a décidé de s’inviter à Holguin, Cuba, où j’avais prévu mes vacances. Et évidemment, à la question « Voulez-vous une assurance annulation ? », j’ai passé mon tour. Me disant que, rendu là, je préférais investir ce montant dans une queue de homard. C’était avant que cette chère Mélissa s’invite.
Donc, je ne sais pas, je ne sais plus, je suis perdu. « Fais comme l’oiseau », me chanterait Fugain. Mais même l’oiseau aurait le bec qui lui traîne à terre. À Cuba, les bâtiments tiennent debout « de peur ». Imaginez après un ouragan.
Je me fie donc à Transat. « Les services essentiels sont en cours de rétablissement dans les hôtels offerts par Transat ». Ah. Au moment ou vous lisez ces lignes, je suis de train de constater la signification de « services essentiels ».
Un jour, à Québec où je résidais pour mes études, je me suis fait voler. « Je voulais aller veiller, mais j’irai pas », ai-je dit à mon paternel. « Ils viennent juste de te voler. Ils ne reviendront sûrement pas deux fois à soir ». Ah, ben oui. Je suis allé veiller. Parfois, la logique du risque, c’est juste ça : une histoire de timing.
Alors, est-ce que je vais prendre une assurance annulation la prochaine fois ? Peut-être. Si je la prends, je n’aurai sans doute jamais besoin de m’en servir, mais si je ne la prends pas, le ciel va sûrement décider de me tomber sur la tête, juste pour me narguer et faire rire mon père assis sur son nuage, à répéter une phrase que j’haïssais tellement entendre : « Je te l’avais dit ».
Donc, fermez les yeux, imaginez-moi sur une plage dévastée, avec des palmiers édentés, à siroter un mojito tiède dans un verre ébréché, et riez. Si on peut tout perdre dans la vie, personne ne peut nous enlever le sens de l’humour.

