Avons-nous encore les moyens de vieillir et de mourir?

Photo : Danie Franco (Unsplash.com)

L’avenir est de plus en plus angoissant pour ceux qui vieillissent. Depuis que les familles sont trop occupées pour prendre en charge leurs enfants, on a inventé les garderies et les écoles presque gratuites. Mais pour les vieux qui ne peuvent plus rester seuls dans leur logement, on n’a rien trouvé de mieux que les résidences privées (Soleil, Bâtisseurs, Medway, Labrie et autres), qui coûtent la peau des fesses.

Le problème est de taille et risque d’exploser, surtout quand on sait que la population du Québec continuera à vieillir pour une quinzaine d’années encore, et que les soins à domicile sont encore embryonnaires.

Des coûts abusifs

J’ai le cas devant moi d’une personne en résidence privée bien ordinaire. Le prix de base de la location d’une chambre peut sembler raisonnable au premier coup d’œil — 1325 $/mois —, mais tous les services sont par la suite tarifés : les repas et l’entretien doublent le montant initial; le coût des soins infirmiers et d’hygiène s’élève à plus de 2000 $/mois; un total de 4800 $/mois, ce qui signifie 57 600 $/année.

La contribution totale des aides gouvernementales auxquelles la personne a droit est de 800 $ par mois, et la dame ne reçoit que sa pension, car ayant été femme au foyer qui a élevé une grosse famille, elle n’a pas de Régie des rentes ni de Fonds de retraite.

Un autre cas : un couple loue un logement de trois pièces, avec un repas par jour et un stationnement fournis, pour 3800 $/mois (42 000 $/année); il a droit à une aide gouvernementale de 600 $/mois. Le monsieur m’a dit : « Il n’y a pas un plan de retraite qui résiste! »

J’aime autant ne pas savoir ce qu’il en coûtera pour loger dans les chics Maisons pour aînés de M. Legault.

Pour ce qui est des frais funéraires, pour une simple crémation — sans exposition ni cérémonie — et les services juridiques de décès, les coopératives funéraires facturent en moyenne 4000 $ avant les taxes. Je vous laisse imaginer ce que coûte le forfait traditionnel complet. Et la rente de décès de la Régie des rentes n’est toujours que de 2500 $.

Le cauchemar des vieux

Non contents d’avoir à supporter les souffrances, les détachements et l’isolement de la vieillesse, les vieux de nos jours sont confrontés silencieusement à ce cauchemar financier et humain. Pour le monde ordinaire, c’est hors de prix!

Pendant la pandémie, on a eu un avant-goût du triste sort que notre société capitaliste réserve aux personnes âgées. On a promis d’en prendre mieux soin, comme on a décidé collectivement de prendre soin de nos jeunes enfants, de nos jeunes, de nos malades, de nos itinérants, et d’autres groupes de personnes vulnérables.

Il est clair d’ores et déjà que laisser les personnes âgées à la merci d’entreprises privées plus ou moins bien encadrées, qui y ont vite décelé une bonne occasion de faire de l’argent — sous un couvert de bienfaisance — en tarifiant tous les services, n’est pas une solution durable et acceptable. Ça ressemble davantage à de l’exploitation.

La solution est sans doute à chercher dans les soins à domicile. Il faut permettre aux personnes âgées de rester le plus longtemps possible dans leur logement, et d’avoir gratuitement les soins physiques et les services sociaux qu’elles méritent. Et pour commencer, il faudrait leur faciliter l’accès à un logement adapté, et les protéger des évictions dont ils sont souvent victimes.

Sinon, qu’on les autorise à mourir dans la dignité.