Je rêvais depuis longtemps d’aller faire un tour au Festival du bûcheux à Saint-Pamphile, le plus important festival forestier au Québec. J’y suis finalement allé en fin de semaine, avec mes deux beaux-frères, mais ça ne s’est pas passé comme je l’avais imaginé…
Sur la longue route droite qui mène à Saint-Pamphile, les campagnes et les villages m’ont paru beaucoup plus beaux, aménagés et en santé qu’il y a 20 ans. Le village, ou plutôt la ville de Saint-Pamphile (plus de 2000 habitants) semblait relativement tranquille, mais on nous a dit : « C’est du côté de l’aréna que ça se passe. Vous allez voir un paquet d’autos ». En effet, c’est une véritable marée d’autos (et pas des bazous !) que nous avons affrontée en abordant le quartier très moderne de l’aréna, au point de devoir nous stationner à une bonne distance de celui-ci.
Arrivés à l’aréna, de jeunes travailleurs immigrants (africains) nous expliquent qu’il faut obligatoirement payer un billet d’entrée, qui est un billet-forfait pour la journée, une somme de 40 $ par personne. On n’est visiblement pas la clientèle qui les intéresse. C’est vraiment trop cher pour nous. D’ailleurs, des dames du village nous confirmeront qu’ils trouvent que c’est exagéré. Nous n’avons plus affaire à un festival communautaire de village qui veut mettre en valeur son identité et ses travailleurs forestiers, mais plutôt à une business qui s’adresse aux visiteurs « professionnels ». Un peu comme le Festival western de Sainte-Tite, en plus petit. Ce n’est pas n’importe quel festival qui peut se payer Les Trois accords » et Salebarbes ! D’ailleurs, Google nous apprend que l’an dernier, il y a eu plus de 36 000 entrées. Faites le calcul. Quant à nous, nous en fumes quitte pour une pizza Chez Réjean !
Le capitalisme est passé par là
Au retour, je repense avec nostalgie et amertume aux bûcherons d’autrefois. Beaucoup de nos ancêtres ont été des bûcherons qui, très jeunes, montaient dans le bois à l’automne, et passaient l’hiver dans les chantiers, à se faire manger par les poux. Esdras Minville, un de nos premiers économistes, écrivait déjà en 1937 : « Notre industrie forestière a voué une immense partie de notre population rurale à la carrière de bûcheron, lequel est devenu le prolétaire de la campagne. Grâce à notre politique de concession sans recours, Anglais et Américains (aujourd’hui Asiatiques) se sont livrés à une exploitation telle, qu’ouvrant les yeux aujourd’hui, nous en redoutons l’épuisement prochain… Il faudrait réorganiser l’industrie forestière selon une formule qui tende à substituer le forestier responsable au bûcheron prolétaire. »
Malheureusement, les choses n’ont guère changé. Produits forestiers Resolu — autrefois Donahue — appartient désormais à un industriel indonésien. Les bûcheuses multifonctions ont remplacé les bûcherons. Un nouveau projet de loi propose de confier de nouveau aux compagnies forestières l’entière gestion de l’exploitation intensive et de l’aménagement de larges concessions de notre forêt publique, valable pour dix ans, au détriment des règles d’exploitation écosystémique établies il y a 20 ans suite à L’erreur boréale de Desjardins et à la Commission Coulombe. Quant à la participation des régions à la gestion et aux redevances de leurs forêts, on a sans doute jugé que ça ne ferait que nuire à la productivité : c’est disparu du décor.
La forêt est bien plus qu’un réservoir de deux par quatre. Il faudra bien un jour décider de la gérer et de l’exploiter intelligemment, mais pour ça, il faudrait commencer par la redécouvrir et en reprendre possession.

								
				
											