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Entre vous et moi !

Photo : Daren, Unsplash

Au moment où vous lirez ces lignes, j’entrerai dans ma 90e année, et il y aura 50 ans jour pour jour que j’aurai atterri dans l’anse de Pointe-Sèche à Saint-Germain, pour y choisir pays.

Aujourd’hui, j’ai envie de vous parler de ce lien unique qui s’est créé, au fil des années, entre ce pays et moi ; plus particulièrement, de cette conversation vivante que j’entretiens avec vous chaque quinzaine depuis février 2021 (100 chroniques précisément !), grâce à l’accueil du Placoteux – que je remercie sincèrement.

Je suis arrivé au Kamouraska à l’aube de mes 40 ans, après un parcours qui m’a conduit du Rang-Nord de Normandin au Lac-Saint-Jean, où j’ai grandi, nu-pieds sur la terre ; à Chicoutimi et à Rome, où j’ai étudié une quinzaine d’années ; puis à Jonquière, où j’ai enseigné cinq ans au Collège, avant de quitter la prêtrise ; et finalement à Montréal, où je fus de tous les combats politiques, syndicaux et culturels de 1968 à 1975.

Je suis débarqué ici avec la franchise du gars du Lac, la conviction du missionnaire, et l’audace du contestataire que j’avais été, mais surtout, avec l’attachement à la terre et au pays que je voulais retrouver.

J’ai tout de suite aimé la douceur et la lumière du Fleuve et de ses battures, la beauté des arbres, des champs, des chemins, des maisons et des villages d’ici, où sont inscrits 300 ans d’histoire et de sagesse des ancêtres, le savoir-vivre des habitants, et ces incroyables cabourons sculptés par les vents et les glaces, et figés dans le temps.

J’ai cultivé envers et contre tout, biologiquement, la terre que m’a confié un « vieil homme du Bas-du-Fleuve », passé des hivers loin du chemin avec ma petite famille et mes animaux, rebâti une cabane à sucre écroulée dans le rang Mississipi, et j’ai voulu participer, sans concession, à la préservation de ce pays sans égal au Québec, à la survie et au réveil du plus petit village (300 personnes) dépouillé comme tant d’autres de ses organes vitaux (école, magasin, garage, etc.), à l’émergence d’une agriculture nourricière, à la mise en valeur du doux pays du Kamouraska, y compris pour ceux qui l’habitent, mais se sont habitués à ne plus le voir.

Cette longue renaissance de mon village d’adoption ne s’est pas faite sans douleur et sans pleurs. Mais le temps a fait mûrir le fruit. Et je dois vous avouer que cette chronique, si modeste soit-elle, me permet de faire la paix, de rétablir un contact gratifiant avec vous tous qui habitez le Kamouraska depuis toujours, de me réconcilier avec ce Pays qui est devenu mien. Je vous en remercie.

Chaque fois que je m’assois devant mon ordinateur pour écrire cette chronique, je me mets à la place de chacun de vous pour imaginer vos préoccupations du moment ; je cherche les mots qui rejoindront ce que vous ressentez, et vous permettront de mieux comprendre ce qui nous arrive et ce que nous vivons ; j’essaie de vous transmettre un peu du plaisir que j’ai à vivre ici, au milieu de vous, dans ces lieux grandioses.

Sachez que rien ne m’est plus précieux que la reconnaissance des gens du Kamouraska, parce que depuis 50 ans, c’est d’abord avec vous et pour notre avenir commun que je me suis battu. C’est ici que je veux vivre et mourir. De pouvoir réfléchir chaque quinzaine avec vous et recevoir votre généreuse appréciation est ma plus belle récompense.