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Le bar ouvert de la SAAQclic

Le taux horaire des consultants est passé de 82 $ à 350 $, et ce, sans justification claire. Image générée par l’intelligence artificielle

Il ne passe désormais pas une semaine sans qu’une folle dépense gouvernementale ne soit dévoilée au peuple par l’entremise de divers médias. Que ce soit le million de dollars accordés pour le remplacement d’un feu de signalisation à Longueuil ; du poste de police de Québec, bâti au coût exorbitant de 112 M$ ; de la rémunération du président-directeur général du projet embryonnaire de train à grande vitesse entre Québec et Toronto qui se rapproche du 1 M$ par année, avec une allocation de dépense de pacha ; ou bien de la construction d’écoles au public pour un quart de milliard, alors qu’au privé, on obtient le même édifice pour 30 M$, rien ne semble aller comme la bonne conduite l’exige au royaume du Québec.

Mais le dossier le plus pathétique actuellement dans la belle province est sans nul doute celui du scandale de la SAAQclic, qui a coûté au bas mot 1,2 milliard de dollars aux contribuables pour l’obtention d’un canard boiteux.

On apprenait récemment, dans le cadre de la Commission Gallant, qu’avant le lancement de cette réforme numérique, la SAAQ affichait un déficit modeste de 35 millions de dollars. Or, selon les plus récentes estimations, le déficit anticipé dépasserait dorénavant le milliard de dollars. En décembre 2024, la SAAQ avait déjà consommé près de la totalité de sa marge de crédit fixée à 817 M$, forçant — écoutez bien — la direction à envisager de puiser dans le fonds réservé aux accidentés de la route afin d’éponger le gouffre budgétaire. Pire encore, depuis 2023, l’environnement informatique étant jugé non fiable, il est devenu impossible de vérifier l’exactitude des états financiers…

Le fiasco n’est pas que budgétaire, puisqu’il révèle également un grave manque de gouvernance. Bien que la haute direction, le conseil d’administration et les vérificateurs internes savaient dès 2020 que les coûts dépasseraient le milliard, plusieurs membres du CA ont prétendu avoir été « surpris » par les révélations du vérificateur général en 2025. Ah, bon !

Des économies de 1,2 G$ avaient même été projetées, mais jugées irréalistes par les vérificateurs. Malgré une réserve quasi épuisée, le conseil d’administration a tout de même donné son aval à la poursuite du projet. Mais, évidemment, personne n’était au courant…

Qui plus est, le taux horaire des consultants est passé de 82 $ à 350 $ — et ce, sans justification claire —, et 730 000 heures ont été discrètement retirées de la soumission initiale pour ensuite être réclamées, mais avec 800 000 heures supplémentaires cette fois-ci…

Trois centres Vidéotron

Réfléchissez-y un instant, et je sais que je me répète, mais la réforme numérique SAAQclic aura coûté autant que trois centres Vidéotron. Oui, vous avez bien lu. Ce gigantesque amphithéâtre construit entre 2012 et 2015, qui a nécessité le travail de plus de 1500 ouvriers spécialisés issus de 30 corps de métier, avec en moyenne 500 travailleurs présents en tout temps sur le chantier. Des millions d’heures de travail, des tonnes de matériaux, de la machinerie lourde, et un bâtiment de 65 000 m² répartis sur sept étages. Bref, du concret, du visible ainsi que du tangible !

Et pourtant, la facture de SAAQclic — pour un simple virage informatique — s’élève à 1,2 G$ ; pas de béton, pas d’acier, pas de gradins ni de glace, seulement des écrans qui ont planté, des services en panne, et un système incapable de livrer ce qu’il promettait. Passer de 82 $ à 350 $ l’heure était-il justifiable ? Surtout dans un contexte où il y a une pléthore de ratés ? Évidemment, aucun ministre ne savait ce qui se passait… Bienvenue au pays de l’imputabilité, et ne me dites pas que le grand responsable est uniquement l’inflation !

Sincèrement, comment peut-on en arriver à faire passer la facture de 500 M$ à 1,2 milliard de dollars pour un programme informatique ? Suis-je trop demandant ? Me semble qu’il ne s’agit pas de rocket science. N’y avait-il pas des précédents en la matière, ailleurs dans le monde ? Au lieu de payer des salaires à 350 $ de l’heure, n’aurait-on pas pu former des gens à l’interne au gouvernement, avec un salaire décent, pour accomplir cette tâche ?

Comme une de mes connaissances disait récemment concernant le prix exorbitant pour la construction de nos écoles au Québec, on serait mieux de les faire construire au privé au coût de 30 M$, pour ensuite les vendre au gouvernement pour la somme de 40 M$, on sauverait ainsi 210 M$ qu’on pourrait investir ailleurs, ou tout simplement réduire le déficit du gouvernement Legault qui est présentement de 13 milliards de dollars. De la collusion dans les appels d’offres ?

Soyons honnêtes ; que va donner la Commission Gallant ? Il y a fort à parier que quelques personnes uniquement seront blâmées dans cette saga, et que le rapport de ladite commission sera ensuite tabletté, comme l’a été celui de la Commission Charbonneau. En somme, on va donner l’impression que les problèmes sont réglés, et le manège devrait repartir sous peu dans un autre des fiascos financiers que le gouvernement du Québec nous a habitués à vivre…

Pendant ce temps, nos infrastructures sont en décrépitude à la grandeur du territoire, et on coupe sur les papiers mouchoirs dans certains hôpitaux du Québec afin de faire des économies d’échelle. Localement, le projet de dôme sportif à Montmagny a été abandonné faute de financement, et les responsables du dossier de la réfection de la piscine du Cégep de La Pocatière peinent à trouver les quatre millions restants pour boucler le budget. Que voulez-vous, on n’a plus d’argent…

Il serait peut-être temps que le peuple demande des comptes à ses dirigeants, parce qu’au banquet de la corruption, les billets verts et l’égoïsme valent beaucoup plus que le bien collectif de la nation !