Pour les agriculteurs en régions périphériques, le fantôme des tarifs de l’oncle Sam vient s’ajouter à une foule de problèmes qui plongent plusieurs d’entre eux dans l’incertitude.
Un portrait déjà sombre
Des 150 000 fermes que comptait le Québec en 1950, il n’en reste que 29 000, de plus en plus grosses, qui ont tendance à se concentrer dans les régions centrales du Québec.
Leur valeur moyenne est de 4,3 millions $ (plus de 10 M$ pour le 10 % supérieur).
Leur revenu est de moins de 100 000 $ pour plus de la moitié d’entre elles, qui disposent de moins de 50 hectares (à peine plus qu’une terre de 100 arpents d’autrefois).
Leur taux d’endettement est de 40 % chez les plus grosses et de 15 % chez les plus petites.
Il reste 5000 fermes laitières (de 60 à 2000 vaches), dont la valeur est en moyenne de 7 M$, et 2000 fermes porcines dont la valeur moyenne est de 4 M$, et qui ont de plus en plus de misère à exporter 70 % de leur production (35 % aux États-Unis).
Un nombre important de petites fermes plus ou moins artisanales gonflent un peu artificiellement ce tableau, car elles peinent à se développer dans le cadre des politiques gouvernementales actuelles qui ne leur donnent pas vraiment accès au financement, aux quotas, aux marchés, aux terres, au domicile, et à une représentation équitable.
Ces agriculteurs doivent, ne l’oublions pas, faire face à la compétition mondiale (importations, coût de la machinerie, des engrais, des pesticides, de l’énergie, taux d’intérêt), et à une pénurie de main-d’œuvre et de relève, en plus de faire face aux changements climatiques, à des contraintes environnementales, et à des normes de bien-être animal de plus en plus exigeantes.
La massue des tarifs
La guerre commerciale de Trump (et de la Chine) risque maintenant d’accabler encore davantage nos agriculteurs, car malheureusement, depuis le début des années 1990, nos dirigeants ont orienté massivement notre agriculture vers l’exportation : porc, sirop d’érable, canneberges, bleuets, céréales, canola, soya, bœuf, pommes de terre, légumes, etc. Quant aux producteurs de lait et de volailles, dont le revenu est garanti par la gestion de l’offre, ils risquent fort de voir celle-ci férocement attaquée par Trump, et par les ambitieux producteurs de lait du Wisconsin et de Nouvelle-Angleterre.
Et bien sûr, ce sont toujours les plus petits et les moins nombreux qui sont les plus vulnérables à la compétition, donc les agriculteurs de nos régions périphériques : Bas-Saint-Laurent, Saguenay–Lac-Saint-Jean, Abitibi-Témiscamingue, Chaudière-Appalaches. De façon générale, les agriculteurs québécois — qui fournissent pourtant plus que leur part à l’alimentation du Canada — sont plus petits et plus endettés, donc plus vulnérables que ceux du reste du Canada.
La loi du plus fort ne pardonne pas : elle n’a pas de cœur ni d’intelligence, que des intérêts. Et sans surprise, les décideurs concernés refusent de faire les réformes qui s’imposent à ce modèle agricole qui vise à conquérir les marchés mondiaux plutôt qu’à nous nourrir, dans chacune de nos régions.
Notre autosuffisance alimentaire, qui ne dépasse déjà pas 35 % (si on exclut les aliments transformés, mais non produits au Québec), n’a jamais été autant en danger.