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M’en va en vacances

Cet été, je me paye un mois de vacances. Tout un. Pas un trois jours entre deux livraisons de textes, ou une semaine à regarder la télé et à répondre à des courriels. Non, un mois. Trente jours. Consécutifs. Parce qu’en 2025, c’est l’année où je remets ma santé mentale sur le piton, avant qu’elle ne prenne le bord toute seule.

C’est la première fois que je fais ça depuis que j’ai commencé à travailler, à 16 ans. Ah ben, c’est drôle, c’est justement mon âge actuel à l’envers… Un signe de sagesse ?

J’ai déjà eu des périodes plus longues de « repos ». Quand j’étais jeune, je travaillais l’été comme DJ au Manoir Richelieu. Et l’hiver, c’était fermé. Donc, j’hibernais dans une arcade entre octobre pis avril. C’était pas productif pantoute, mais je flottais dans le bonheur fluo de la machine Pac-Man au néon. Dieu était grand.

Depuis, c’est métro (l’épicerie), boulot, dodo. J’adore ce que je fais, mais ça reste un boulot. Et même le plus beau boulot du monde, si t’en fais trop, tu finis par vouloir faire autre chose. Et comme tu ne sais pas quoi, tu continues.

Ai-je besoin de repos ? Probablement. Est-ce que je le sens ? Pas du tout. » Et c’est ça le pire. Le hamster est bien huilé, la roue tourne, pis moi je suis en mode automatique, comme un vieux lave-vaisselle. On ne voit pas venir l’usure, jusqu’à ce que la mousse se mette à sortir de partout.

Prenez Jean-Philippe Wauthier. Le gars animait à peu près toutes les émissions au Québec en même temps. Radio, télé, podcasts, souper de famille, pas de bas, bouton de chemise au nombril. Le roi du multitâche. En mars, paf. Burnout. Élastique cassé.

Il a tenté un retour à son émission Bonsoir, bonsoir la semaine dernière. C’était un peu malaisant. Jean-Sébastien Girard, son remplaçant (peut-être le prochain épuisé sur la liste) l’a reçu, c’était le retour de l’enfant prodigue. Pas pour Wauthier, que l’on a senti nerveux, fragile. « Je ne fais rien depuis trois mois. Est-ce que je suis prêt à recommencer ? Je ne le sais pas. Il n’y a pas de feu vert qui s’allume. » En fait, ce sont des alarmes qui sonnent, et que l’on ignore jusqu’à ce que le plancher s’écroule sous nos pieds.

Toujours est-il que…

Quand t’es une personnalité publique, ton mal de tête devient affaire d’État. Un arrêt de travail, c’est pas juste un formulaire, c’est un communiqué de presse. Tu vas acheter du lait, et la caissière te demande avec un sourire compatissant : « Ça va mieux ? » Partout, les regards, suspicieux, qui te rappellent que ça ne va pas bien. Il y a ta face sur les journaux. Finalement, il a décidé de ne pas revenir. Sage.

Alors non, je ne me sens pas fatigué. Et c’est pour ça que je pars. Parce que si j’attends d’être à terre, tout le monde qui pourrait m’aider à me relever sera en vacances. Je veux lire un livre sans devoir le résumer, manger sans photographier mon assiette, dormir sans mettre de réveil, visiter un endroit sans penser à une chronique. Trump oblige, je n’irai pas chez l’Oncle Sam. À plus tard New York et Vegas.

Bref, je me sauve. Je vous aime, mais je me débranche. Pas pour fuir le travail. Pour mieux y revenir. Un recul nécessaire pour mieux recommencer à avancer. Les vacances, au fond, c’est comme le silence. Quand on ne s’en accorde jamais, on finit par ne plus savoir le bien que ça fait. Et c’est là qu’un morceau invisible de nous commence à s’effriter. Si l’idée même de partir en vacances vous semble farfelue, c’est sans doute le signe que vous devriez déjà être parti. Au moment où vous lisez ces lignes, je le suis. Bon été.