Mes fins du monde

Éliane Vincent s’attarde cette semaine aux gentils qui font du bien. Photo : Tim Marshall (Unsplash.com)

Une chronique de Marc Séguin dans La Presse a attiré mon attention. Son titre : Les fins du monde. S’y mêlaient des considérations sur l’abondance de l’automne et l’odeur âcre des feux de forêt; sur le bouillonnement des tomates qui cuisent malgré la disparition des stocks de poisson; sur la plantation d’arbres et les toilettes non genrées. Bref, Séguin faisait le décompte ordinaire des fins du monde ordinaires qui sont le lot des humains ordinaires; l’apocalypse annoncée qu’on ne sait plus comment gérer tellement on voudrait, tellement on ne fait rien, tellement on angoisse.

Et je me suis dit que pour cette fois, je n’allais pas moi aussi parler de la fin du monde. J’ai cherché un thème. J’ai trouvé les fins du monde. Un pluriel qui change tout. Réfléchissons : qui est la cause de la fin du monde? Les méchants, Fugain nous l’a dit il y a cinquante ans de ça. Et qui est le contraire des méchants, m’sieur Fugain? Les gentils, voilà. Je vais donc écrire un billet sur les gentils. Par chez nous, on dit des gentils qu’ils sont donc ben fins, madame chose!

Les voilà, mes fins du monde.

À vous

À vous qui renversez la vapeur en n’attendant pas à demain pour faire aujourd’hui ce qui aurait dû être fait hier. Vous qui cultivez la terre avec plus d’amour que de pesticides. Vous qui voyez en chaque humain la personne qu’il mérite d’être.

Vous qui décidez de ralentir chaque fois que c’est possible. Vous qui laissez tomber un moteur ou deux pour laisser respirer le monde. Vous qui décidez de rester à terre en voyant les trop nombreux avions qui se croisent au-dessus de nos têtes.

Vous qui prenez soin des vieux, des enfants, des fragiles, de l’eau, de la forêt, des animaux. Vous qui veillez à ce que les plus jeunes apprennent à penser très tôt, et à ce que les plus vieux restent allumés très tard. Vous qui défendez l’humanisme, qui rétablissez l’équilibre. Vous qui ne pensez pas que la rentabilité est le Graal.

Vous qui savez flâner. Vous qui savez rêver. Vous qui savez travailler sérieusement quand c’est le temps. Vous qui choisissez de travailler à ce qui est important. Vous qui travaillez pour moi comme vous aimeriez que je travaille pour vous.

Vous qui savez que le monde ne vous appartient pas, et qui acceptez joyeusement d’en être le fiduciaire respectueux. Vous qui regardez loin devant, en faisant tout de même attention où vous mettez les pieds.

Vous êtes mes fins du monde et je vous salue.