La lune du printemps est le signal de la renaissance de la Nature et de la Vie dans toutes les cultures.
Les religions elles-mêmes ont choisi cette période pour célébrer la renaissance de l’humanité et la naissance de leur foi : pour les juifs, la sortie des Hébreux d’Égypte et leur constitution comme peuple élu par la loi de Moïse; pour les chrétiens, la résurrection de Jésus et la naissance de l’assemblée (ecclésia) chrétienne; pour les musulmans, la révélation du Coran à Mahomet et la naissance de la famille (oumma) musulmane; pour les hindous, l’illumination du Bouddha et la voie pour vaincre la souffrance.
Au-delà des récits symboliques et des rituels des religions, nous savons aujourd’hui que nous sommes partie intégrante de l’Univers, et des grandes lois naturelles de la Vie qui renaît sans cesse, en se reproduisant elle-même, par le miracle de l’ADN. Chaque printemps, les plantes repoussent, les animaux mettent bas, les Québécois sortent dehors et se courtisent, la Vie renaît.
Sauf si on tue la Vie. Si au lieu de semer la vie et d’en prendre soin, on sème la mort, car en tant qu’êtres conscients et libres, nous avons le pouvoir de contredire la Nature. Notre époque, sous l’emprise d’un certain « progrès », sans s’en rendre compte, sème de moins en moins la vie, et de plus en plus la mort.
Il y a bien sûr les guerres, qui sont de plus en plus meurtrières et cruelles. Les ruines de l’Ukraine et de Gaza brisent nos écrans, et la détresse de leurs enfants nous déchire le cœur. La bombe atomique vient de nouveau nous hanter.
Mais il y a plus. Nous tuons la vie tous les jours sans nous en rendre compte.
Nous gaspillons l’eau essentielle à la vie et salissons nos rivières.
Nous empoisonnons et tuons les terres agricoles qui nous nourrissent.
Nous rasons nos forêts sans leur permettre de se reproduire.
Nous vidons la mer de ses poissons, et privons les fleurs de leurs abeilles.
Nous remplissons les océans de continents de plastique et les dépotoirs de polyester.
Nous martyrisons les animaux qui nous nourrissent.
Nous détruisons l’habitat des animaux et le nôtre.
Nous déchaînons le ciel avec nos tuyaux d’échappement.
Nous vidons le ventre de la Terre de ses ressources non renouvelables.
Nous bétonnons notre environnement pour nos autos.
Nous limitons la famille et confions nos enfants à l’État.
Nous laissons les vieux dépérir seuls dans des mouroirs coûteux.
Nous sommes tous, à des degrés divers, des « dénaturés », des déracinés, des pilleurs, des profiteurs, des irresponsables. Le système dans lequel nous vivons n’a de respect pour rien d’autre que l’argent, désormais seule monnaie du bonheur.
Au train où vont les choses, Hubert Reeves envisageait une possible extinction de la vie sur terre, ou du moins, de la vie humaine.
Le printemps — Pâques pour les croyants —, c’est une occasion pour s’émerveiller de voir la Nature, la Vie renaître sur cette petite planète perdue dans l’Univers qui en contient des milliards qu’on ignore. Une occasion pour mettre la main à la terre, et y semer un grain de vie qu’on aura plaisir à voir grandir. Une occasion pour retrouver la foi dans l’Univers qui contient tout, qui est tout, qui est partout, depuis toujours, autrement dit, qui est « Dieu », disait le grand philosophe Spinoza.